Réflexions de l’architecte Normand Hudon, associé de Coarchitecture, sur l’après-crise de la COVID-19.
Nous espérons tous que le choc provoqué par la pandémie conduise à des améliorations notables qui profiteront à la société sous l’angle du développement durable. Un des changements les plus marquants est l’adoption à grande échelle en un temps record des plateformes comme Teams, Google Meet ou Zoom, qui rendent la collaboration virtuelle possible.
Parmi les points positifs, ces rencontres virtuelles laissent entrevoir une réduction durable des déplacements en voiture, dont les effets bénéfiques pour l’environnement se font déjà ressentir. Cet outil d’évitement des déplacements physiques permettra aussi d’aplatir les pointes de congestion en optimisant les heures de déplacements, ce qui enlèvera de la pression sur le réseau routier et réduira les émissions de GES par le fait même.
Paradoxalement, le confinement aura fait ressortir les points faibles de la densité urbaine, ce qui pourrait renforcer la tendance à l’étalement. Sous l’angle social, les maisons unifamiliales détachées offrent une meilleure qualité de vie en période de confinement et la faible densité aide à contrôler la propagation d’un virus. Également, la diminution du trafic routier que permettent les rencontres virtuelles pourrait réduire les avantages liés à la proximité de son domicile des centres urbains, là où la possession d’une automobile est facultative.
La pandémie a fait prendre conscience à toutes les organisations utilisatrices d’espaces de bureaux de l’opportunité qu’offre le télétravail pour réduire leurs superficies occupées et les coûts qui y sont associés. Les gouvernements fédéral et provincial ont lancé des programmes de réaménagement selon l’approche du milieu de travail axé sur les activités (MTAA), qui met en œuvre la stratégie du poste non assigné et qui permet de réduire les superficies occupées de l’ordre de 30%.
Cette approche fonctionne main dans la main avec le télétravail. Avant la COVID, on sentait une énorme résistance au changement liée à la crainte de perdre son poste ou son bureau fermé assigné. Cette résistance a été largement abattue avec la découverte forcée du télétravail pour la grande majorité des occupants des édifices de bureaux. L’une des conséquences probables de ce changement est une diminution des taux d’absorption de locaux pour bureaux, voire des taux négatifs, ce qui réduira la construction, l’occupation et les émissions de GES qui en découlent.
On peut cependant anticiper que ces mètres carrés économisés seront déplacés dans la construction de logements neufs où les gens voudront s’installer plus confortablement et avec plus d’intimité pour travailler efficacement à distance.
Sous l’angle de l’efficacité énergétique, on visera probablement l’augmentation du taux de renouvèlement de l’air dans les bâtiments pour diminuer les risques de propagation des virus. Cette nouvelle réalité n’aidera pas à diminuer la consommation d’énergie. Il faudra donc renforcer les bâtiments par des stratégies bioclimatiques permettant de réduire la demande en énergie, tout en améliorant le confort des occupants ainsi qu’en augmentant la résilience face aux changements climatiques.
Il n’apparaît donc pas évident qu’on ressortira de cette crise en ayant adopté naturellement des changements qui seront bénéfiques pour le développement durable. Espérons au moins que nous aurons amélioré notre capacité à jouer en équipe à l’échelle mondiale pour changer la trajectoire qui nous dirige lentement mais sûrement vers une crise environnementale plus dommageable que la crise sanitaire que nous vivons actuellement.