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10 mai 2023

Par Myriam Drouin, Ph.D.*

Regard sur les innovations mises en vitrine à l’occasion de Futurebuild 2023. Et aussi sur les tendances qui se dessinent dans la construction durable au Royaume-Uni.

Plus tôt cette année avait lieu à Londres Futurebuild, rencontre majeure sur la construction durable au Royaume-Uni. Quelque 400 exposants y étaient pour présenter une large gamme de matériaux, produits, services et solutions pour le secteur, faisant de cet événement la principale vitrine de l'innovation dans le secteur de la construction.

Ce salon était aussi l’occasion de participer à plus de 100 séminaires et conférences gratuits mettant en vedette des professionnels et industriels du secteur. Le contenu de Futurebuild s’est dessiné autour de huit thèmes, soit les matériaux, les intérieurs, la construction industrialisée, la rénovation, les infrastructures durables, l’énergie, les bâtiments et le numérique.

À la lumière des kiosques visités et des conférences entendues, certains éléments en sont ressortis comme des tendances, reflétant les principaux enjeux du secteur. Parmi ceux-ci la construction bas carbone, ou nette zéro, était sur toutes les lèvres dans les conférences et assurément présente au sein des matériaux exposés. C’est notamment à travers l’usage de matériaux biosourcés que les concepteurs cherchent à atteindre cet objectif.

On a pu découvrir dans les kiosques des produits de finition comme des peintures à base de matières premières naturelles ou encore des isolants et des panneaux à base de fibres de bois ou de chanvre. La construction en bois a été citée à plusieurs reprises comme solution incontournable pour atteindre la carboneutralité. Quant aux autres matériaux structuraux, tels le béton et l’acier, on cherche à y intégrer des composants bas carbone ou encore des stratégies d’économie circulaire pour réduire leur impact.

Les agrégats OSTO® de l’entreprise Low Carbon Materials[1] en sont un exemple. Fabriqués à partir de déchets et de sous-produits, ils peuvent être ajoutés au mélange de béton tout comme le serait le sable ou le gravier. Étant 2,5 fois plus légers que les agrégats minéraux traditionnels, constituant un bon isolant thermique et ayant un bilan carbone négatif, ces agrégats permettent de diminuer l’impact des constructions en béton.

Économie circulaire

L’économie circulaire était également au cœur des discussions. À travers différentes stratégies, on cherche cette fois à réduire l’empreinte environnementale du secteur en s’éloignant du modèle économique linéaire « extraire, utiliser et jeter » pour favoriser des modèles plus circulaires qui optimisent l’usage des matières premières.

Parmi les produits présentés à Futurebuild, certains étaient certifiés Cradle to Cradle (C2C) reflétant l’importance grandissante de l’économie circulaire dans le secteur. C’était le cas des peintures de l’entreprise Graphenstone[2], des produits en bois Accoya[3] ou encore des panneaux décoratifs HoNext[4].

Regard sur les innovations mises en vitrine à l’occasion de Futurebuild 2023. Photo : Myriam Drouin

À travers des exemples pratiques et des études de cas, David Cheshire, directeur du développement durable chez AECOM, a présenté les principes de conception de l'économie circulaire pour les bâtiments. Auteur de Building Revolutions[5], un ouvrage qui explique comment appliquer l'économie circulaire à l'environnement bâti, il travaille actuellement avec la Greater London Authority pour mettre en œuvre des pratiques d’économie circulaire. La hiérarchie proposée dans son ouvrage est référencée dans la dernière consultation du London Plan.

Architecture de résilience

Une tendance certainement familière avec les deux précédentes, l’architecture de résilience, qui fait référence à l’adaptation du cadre bâti pour mieux faire face aux changements climatiques, était aussi de la partie. On y a notamment présenté le projet CReDo[6], soit un projet de démonstration de la résilience climatique basé sur l’usage de jumeaux numériques. CReDo permet d’étudier les impacts des futurs scénarios d'inondations causées par les changements climatiques sur l'ensemble du système d'infrastructures.

En se basant sur les données des réseaux d'énergie, d'eau et de télécommunications afin de créer une image de l'ensemble du système d'infrastructures, CReDo arrive à modéliser comment différents scénarios de défaillances affectent celles-ci. On souhaite l’utiliser comme outil pour planifier des réseaux plus résilients et durables à l'avenir.

Outre les jumeaux numériques, l’adoption d’autres technologies s’est aussi invitée à maintes reprises dans les discussions, notamment à travers l’usage de la modélisation des données du bâtiment (BIM) ou encore de l’automatisation de la construction par la préfabrication en usine.

Sur le vieux continent également, cette transition numérique s’affiche comme un moyen inévitable d’augmenter la productivité et l’agilité du secteur et de répondre à l’enjeu du manque de main-d’œuvre. Le potentiel du BIM pour la gestion de la phase d’opération d’un bâtiment a notamment été mis en lumière à travers une présentation d’un projet de l’OTAN. Dans son nouveau siège social aménagé en 2018 à Bruxelles, l’organisme a décidé d'adopter le BIM et d'intégrer les ensembles de données issues des phases de conception et de construction pour soutenir l'exploitation et la maintenance des installations.

Santé et bien-être des occupants

Pilier du développement durable, la question sociale n’a pas été laissée en plan. La santé et le bien-être des occupants des bâtiments ont été perçus comme des préoccupations du secteur, notamment à travers les enjeux de qualité de l’air et des critères de succès fondés sur l’humain.

Des chercheurs ont présenté des résultats d’études portant sur les impacts potentiels des matériaux sur la santé des occupants, valorisant notamment l’usage de matériaux biosourcés au détriment de matériaux qui intègrent des produits chimiques. On y a également dévoilé la nouvelle notation d’équité WELL, qui porte sur des critères d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI). Cette dernière agit comme une feuille de route pour les organisations qui souhaitent s’engager dans une démarche EDI.

Enfin, on a souligné à quelques reprises l’impact qu’a eu le tragique incendie de Grenfell sur les politiques et réglementations londoniennes en matière de construction. L’onde de choc causée par cette tragédie a mené à la mise en place d’une réglementation incendie plus sévère qui rend moins facile l’usage de matériaux combustibles, tels que les matériaux biosourcés, plaçant ainsi le secteur face à un certain paradoxe au plan des politiques et réglementations.

Suivant ce bref voyage au cœur de la scène de la construction londonienne, force est de constater une familiarité entre les enjeux qui animent le secteur de la construction du nord de l’Europe et ceux retrouvés en Amérique du Nord. Tout comme ici, le secteur tend à réduire son empreinte carbone et à s’organiser pour faire face aux enjeux de demain, dont les changements climatiques, le manque de main-d’œuvre et les problèmes de productivité du secteur, pour ne nommer que ceux-là.


*L’auteure est spécialiste de veille stratégique à la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois à l’Université Laval