Par Jean Garon
L’eau de la rivière des Outaouais participe au développement d’une nouvelle richesse collective fondée sur la mise en place d’un système ingénieux de récupération et de conversion d’énergie pour chauffer et climatiser un tout nouveau quartier carboneutre : le Zibi.
Il fallait y penser. L’eau de la rivière utilisée par une usine dans la fabrication de papier tissu est rejetée dans un bassin de décantation à une température moyenne de 25 degrés Celsius (oC) à la fin des procédés. Elle recèle donc un bon potentiel d’énergie à des fins de chauffage et de climatisation.
De prime abord, ça ne sautait pas aux yeux. Encore fallait-il mesurer le volume de cette eau mitigée rejetée et la constance du débit sur une base annuelle. Il fallait aussi calculer le potentiel de récupération et de conversion d’énergie à partir d’un différentiel de température des eaux mitigées récupérées et pompées à distance vers la centrale thermique. Par-dessus tout, il fallait déterminer exactement les charges requises en fonction de la demande régulière et de pointe de plusieurs dizaines de bâtiments, puis établir les spécifications nécessaires à l’établissement d’un réseau de distribution.
Cette tâche a été confiée à Eequinox, une firme longueuilloise de génie-conseil spécialisée en efficacité énergétique dans les bâtiments. C’est elle qui a été mandatée pour la conception du réseau d’énergie urbain du projet Zibi, incluant la centrale thermique, la station de récupération de chaleur chez Kruger et les stations de transfert d’énergie vers chacun des bâtiments à alimenter.
Deux concepts en jeu
Comme l’explique la présidente d’Eequinox, Geneviève Lussier, ce projet met en jeu deux approches conceptuelles, une pour le côté du Québec (Gatineau) et une autre pour le côté de l’Ontario (Ottawa).
« Celle du Québec forme une boucle d’eau mitigée supportée par une paire de tuyaux dans le sol. Donc, on retrouve des thermopompes dans les bâtiments qui vont puiser ou rejeter de la chaleur, puis dans la centrale thermique. Soit qu’on injecte de la chaleur ou qu’on la rejette dans la rivière pour refroidir la boucle tempérée qui alimente les bâtiments du côté du Québec. » « Du côté de l’Ontario, le réseau est alimenté par trois paires de tuyaux, soit une paire à haute température pour la production d’eau chaude domestique, une paire à basse température pour le chauffage des bâtiments et une paire pour l’eau glacée qui alimente la climatisation. »
Son associé à la vice-présidence de l’entreprise, Philippe Gauthier, détaille un peu plus les concepts, en spécifiant que la partie du Québec n’utilise que de grosses pompes pour faire circuler l’eau. Autrement dit, « on injecte de l’eau récupérée de l’usine de Kruger dans la centrale qui l’envoie ensuite vers des échangeurs de chaleur ou en rejette l’excédent dans la rivière. Pour le Québec, la boucle d’eau tempérée (mitigée) est maintenue à 6 ou 7 oC en hiver et à 30 oC en été. »
« Du côté de l’Ontario, on a deux refroidisseurs qui font office de thermopompes pour produire autant l’eau glacée nécessaire à la climatisation que l’eau que l’on récupère pour les besoins de chauffage. Dans ce cas-là, on utilise deux refroidisseurs centrifuges qui fournissent de l’eau basse température à un maximum de 43 oC pour le chauffage. Par souci d’efficacité, ces deux refroidisseurs sont équipés de doubles condenseurs qui fournissent les charges selon les besoins de chauffage et de climatisation. »