Par Benoit Poirier
Projet Fleur de Lys : quand un vaste îlot de chaleur urbain est appelé à céder le pas à un milieu de vie mixte, actif et verdoyant.
Vous avez un grand centre commercial entouré d’un champ de bitume ? Alors, découpez-le en morceaux que vous restaurerez ou démantèlerez en parties. Reconstruisez en hauteur et verdissez ce lot pour créer un milieu de vie mixte, actif et luxuriant, ceci en ne réduisant aucunement la superficie commerciale.
C’est bien l’intention du promoteur et constructeur Trudel avec le projet Fleur de Lys, à Québec, comme le présente le président-fondateur et chef de la direction, William Trudel : « C’est un projet très inclusif qui redynamise tout un secteur de la ville qui en avait besoin et qui permet de connecter des quartiers qui étaient isolés à cause d’océans de stationnements basés sur la mobilité des années 60. »
S’ajouteraient aux quartiers attenants de Vanier et Limoilou quelques milliers d’unités résidentielles, dont plusieurs à prix abordables, dit-on, ou visant des personnes vivant avec un handicap. De même que des bureaux, un hôtel, des locaux à vocations multiples, des toitures vertes, une piste multifonctionnelle et un grand parc urbain. Parce qu’actuellement, « côté îlot de chaleur urbain, c’est difficile de faire pire ! », commentent Érick Rivard et Keven Ross, architectes associés et designers urbains chez Groupe A/Annexe U. « Le projet en est un en partie de démaillage, indique le premier, parce qu’on passe carrément des rues à travers le centre commercial. »
Un édifice emblématique
Après un diagnostic des lieux, les concepteurs en ont identifié les forces et les faiblesses, ont développé un premier scénario, puis ont contacté la Ville pour une modification du zonage. Ils ont ensuite d’emblée consulté, avec le service d’urbanisme, les comités de quartier, une soixantaine d’organismes communautaires et les grandes institutions avoisinantes. Des scénarios subséquents ont permis de peaufiner le plan directeur, qui a obtenu l’assentiment de tous à une seule condition : celle de restaurer le premier Sears à avoir vu le jour au Québec.
Avec des fleurs de lys gravées dans la pierre et ses corniches d’origine en cuivre, il s’agit d’un bâtiment qui a une valeur importante sur le plan architectural, soulignent les trois intervenants. Et comme les résidents ont également exprimé le souhait de voir s’y établir une institution de haut niveau pour les jeunes du secteur, l’Université du Québec à Trois-Rivières a répondu présente pour occuper des locaux de cette phase initiale du projet.
Les premières étapes comportent également la construction, d’ici 2025, d’une tour à l’endroit où se trouvaient les quais de livraison du Sears ainsi que d’immeubles abritant 450 appartements, un total de 300 000 pieds carrés d’espaces de bureaux et des chambres d’hôtel.
À terme, les divers bâtiments dans lesquels on retrouvera les offres commerciales et alimentaires aux rez-de-chaussée et des stationnements souterrains seront surplombés d’une immense dalle-jardin qui donnera accès aux immeubles habités ou fréquentés. « Les secteurs limitrophes ont des densités d’à peu près trois à quatre étages », indique Keven Ross, qui admet que le nouveau développement présentera une densité plus marquée. « Mais plus nous nous trouverons en périphérie, plus nous redescendrons à des gabarits de six ou cinq étages afin de mieux s’accorder avec le voisinage. »
Chaises musicales
« Il y a évidemment des défis sur le plan structural, des mises aux normes, de l’enveloppe. À chaque phase, nous améliorons l’isolation, les toitures et les renforcements sismiques. Cependant, pour d’autres sections du projet, c’est plus simple de déconstruire et de reconstruire une nouvelle structure capable d’accueillir des bâtiments de 14 à 16 étages », explique Érick Rivard. Sans compter les défis que peuvent représenter les infrastructures déjà en place. Pas simple de ne pas partir de zéro.
« Le centre commercial, précise William Trudel, demeure en tout temps accessible et ouvert à la clientèle. C’est donc un défi d’ingénierie, un défi de construction, mais aussi un très gros défi d’opérations », les commerces étant relocalisés temporairement selon l’avancement des travaux.
« Heureux hasard ou infortune, fait remarquer Keven Ross, le centre commercial Fleur de Lys avait beaucoup de locaux vacants. Il y avait donc la possibilité de faire un grand jeu de Tetris. » Les premières étapes ont ainsi consisté à prendre les locataires d’une section et à les transférer dans une autre pour pouvoir effectuer des travaux de démolition. « Lorsque les nouveaux rez-de-chaussée seront prêts, ils vont pouvoir revenir. Parce qu’il y a une grande loyauté envers les locataires qui sont là et que l’on veut maintenir sur place. »
Le plan directeur a été retenu en fonction de l’impact de l’évolution du comportement des consommateurs sur les activités du centre commercial. « Nous avons volontairement laissé de l’espace libre pour des placettes publiques. Mais ça va justement permettre un jour, si nécessaire, de continuer à déconstruire d’autres sections et de prolonger les rues du quartier », envisage Keven Ross.
D’ici l’automne, on s’affaire à l’ouverture de rues, notamment où prenaient place des stationnements à perte de vue, au prolongement des services d’aqueduc et d’égouts, à l’installation de bassins de rétention, à l’aménagement de pistes cyclables, etc. Suivront, au fur et à mesure de l’éclosion des phases du projet, la végétalisation du sol sablonneux de l’ancienne mer de Champlain, entre autres, par l’ajout d’une importante canopée.
« Nous améliorons de façon importante le bilan environnemental du site parce qu’en ce moment, comme c’est bétonné et asphalté mur à mur, n’importe quelle goutte d’eau qui tombe se retrouve à l’égout », se réjouit Érick Rivard.
Le projet d'une décennie
Cogité depuis 2018, le projet Fleur de Lys, à Québec, doit s’échelonner sur une dizaine d’années. L’ensemble, dont la première phase est presque terminée, comporterait 3 500 unités d’habitation, des espaces de bureaux et communautaires, une faculté universitaire, des chambres d’hôtel, des places publiques et des espaces verts, en plus du mail commercial requalifié et des stationnements souterrains. Les investissements globaux sont estimés à plus d’un milliard et demi de dollars.
- Promoteur : Trudel Innovation
- Constructeur : Trudel Construction
- Architecture : Coarchitecture et Groupe A
- Urbanisme et plan d’ensemble : Coarchitecture et Groupe A
- Aménagements paysagers : Groupe A
- Génie civil : Tetratech et EMS
- Génie structural : EMS
- Génie électromécanique : Dupras Ledoux
- Acceptabilité sociale et communautaire : MOCOM