Les champions de la construction durable
Les lauréats de l’édition 2011 des Prix génie-voirie en développement durable : quatre entreprises qui ont su se démarquer en innovant et en adoptant des pratiques de construction exemplaires.
Par Michel De Smet
Si le développement durable est désormais l'affaire de tous, force est de constater que de plus en plus d'entrepreneurs du secteur du génie civil et voirie se distinguent à ce chapitre par leurs pratiques exemplaires. Dans le but de faire reconnaître leur démarche et de sensibiliser de la sorte tous les acteurs de cette industrie à les imiter, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ) et Constructo décernaient en début d’année, pour la quatrième année consécutive, les Prix génie-voirie en développement durable. Le couronnement des lauréats s'est déroulé à Québec, le 21 janvier dernier, dans le cadre du 67e congrès annuel de l'Association.
Un liant 100 % végétal
La société Sintra, filiale du groupe français Colas, a remporté la palme dans la catégorie Innovation en proposant pour la première fois au Québec un liant sans bitume, 100 % végétal, appelé Végécol. Ce produit innovateur a la propriété de s'appliquer à 110 degrés Celsius au lieu des 150 degrés requis pour les revêtements conventionnels. Par conséquent, il génère des économies d'énergie, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Son utilisation ne contamine pas les eaux de ruissellement. De surcroît, il a la propriété, une fois posé, d'éliminer les îlots de chaleur et contribue à l'obtention de points LEED.
« Notre liant a une consistance qui ressemble au sirop d'érable. Il est totalement transparent. De ce fait, il met en valeur la teinte naturelle des granulats avec lesquels on va le mélanger. On peut également y intégrer des pigments qui vont le colorer et lui permettre de la sorte de s'intégrer parfaitement à son environnement », souligne Pierre Berté, coordonnateur, Marketing et commercial, chez Sintra.
Ce dernier souligne que le Végécol est composé d'huiles végétales non comestibles et de résines d'arbres. Il s'avère idéal pour une utilisation urbaine. Il permet, par exemple, de bien démarquer visuellement les aires de stationnement, les voies réservées aux autobus, les allées de parcs ou encore les pistes cyclables. Quant à ses performances, elles sont identiques à celles des enrobés bitumineux.
Moins de bois dans les coffrages
Le consortium Cegerco – Inter-Cité a mérité le prix dans la catégorie catégorie Ouvrage et transport d'énergie grâce à la mise en place d'une technique de coffrage audacieuse qui aura permis de réduire à la fois l'utilisation du bois pour la réalisation des coffrages et les rejets de matériaux secs. Un précédent au Québec.
Dans le cadre d’un contrat réalisé en 2009 et 2010 pour le compte de la Société d'énergie de la Baie James (SEBJ) pour la réalisation de travaux de béton de la phase 2 de la centrale de l'Eastmain-1-A, les deux partenaires avaient notamment à effectuer à l'extérieur de la centrale le bétonnage des piliers de vannes d'une hauteur hors norme, soit 30 mètres.
Ils avaient sept piliers à installer, dont deux doubles à des endroits stratégiques qui nécessitent une structure particulièrement résistante. En principe, l'entrepreneur dresse la première colonne de béton avec son coffrage de bois. L'opération terminée, il procède de la même manière en installant un joint de retrait entre les deux colonnes et ces dernières sont adossées l'une à l'autre pour former le pilier double. Cependant, grâce au joint, les colonnes n'adhèrent pas l'une à l'autre, car il est important qu'elle demeure autonome afin de bouger indépendamment l'une de l'autre pour respecter les normes de construction.
« Concrètement, nous avons dressé les deux colonnes de béton simultanément en glissant une feuille de teflon entre les deux au lieu d'un joint de retrait. De ce fait, les travaux de coffrage ont pu se faire d'un coup sur les deux segments des piliers limitant de la sorte l'utilisation du bois et, du même coup, en accélérant la cadence des travaux », explique Michel Jean, chargé de projet pour le consortium.
Protection des milieux humides
Le moins que l'on puisse dire, c'est que Les Entreprises P.E.B ont mené à bien un projet qui a pris la protection des milieux humides très au sérieux, avec une attention toute particulière portée à la faune aquatique. À partir du début d’août et jusqu'à la fin de novembre 2010, l’entrepreneur a réalisé pour le compte de la Ville de Québec la construction d'une nouvelle route de deux kilomètres, entre les boulevards de la Colline et Jacques-Cartier, dans l'arrondissement de la Haute-Saint-Charles. À mi-chemin, il a fallu aménager un ponceau préfabriqué de deux mètres de hauteur sur six mètres de largeur pour le franchissement de la rivière des Eaux-Fraîches. Un chantier qui a valu à P.E.B. les honneurs dans la catégorie Travaux municipaux.
« Les opérations exigeaient que l'on soit capable de travailler au sec dans le lit du cours d'eau. Pour ce faire, nous avons réalisé un bassin de dérivation de 50 mètres de long en aval du ponceau afin de réduire au minimum les impacts sur la faune environnante, notamment les poissons, d'autant plus que notre chantier s'étendait en partie sur la période du frai », indique Alexandre Audy, directeur des opérations chez P.E.B.
De plus, lors du rétablissement du cours normal de la rivière, l'entrepreneur a réalisé des aménagements particuliers, comme la pose de rocaille, imitant l'environnement aquatique habituel de la rivière dans laquelle évoluait les poissons avant les travaux.
Travail minutieux en terrain instable
L'été dernier, les Entreprises Claude Chagnon, de Saint-Hyacinthe, ont obtenu du ministère des Transports du Québec (MTQ) le mandat de démolir et de reconstruire un pont portique, composé exclusivement de béton, enjambant la rivière des Hurons sur le chemin Tétrault, à Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville.
Le constructeur s'est retrouvé face à un double défi : d'une part, il était confronté à un sol particulièrement instable composé en grande partie de moraine et de limon et, d'autre part, il lui fallait travailler à partir des berges, sans intervention dans l'eau, en raison de la période du frai. La complexité des tâches à accomplir pour préserver l'intégrité du terrain a permis à l'entrepreneur de remporter le prix de la catégorie Infrastructure de transport.
« On a eu recours à des palplanches en raison de leur stabilité structurale. À chaque fois que l'on excavait, on a recouvert d'une membrane géotextile afin d'éviter tout risque d'érosion du sol en cas de pluie. De plus, toutes les eaux de pompage utilisées ont été dirigées vers un bassin de décantation pour passer finalement par un filtre en paille. Là encore, il nous a fallu réaliser des travaux d'empierrement pour permettre aux eaux, une fois traitées, de retourner à la rivière sans causer d'érosion sur leur passage », explique Jacques Houle, chargé de projet pour Les Entreprises Claude Chagnon.
Quant à l'ancien pont, fait de poutres et de béton, il a été démantelé et toutes les composantes ont été récupérées pour être réutilisées sur les futurs chantiers.
Photo : ACRGTQ
De gauche à droite : Michel Jean et Jacques Bédard, Cegerco – Inter-Cité ; Pierre Berthé, Sintra ; Gilles Dionne et trois de ses collègues des Entreprises P.E.B. ; Anik Girard, Groupe Constructo ; Gisèle Bourque, ACRGTQ ; et André Dubreuil, Les Entreprises Claude Chagnon.