Le verdissement des écoles n’est pas une option, il s’impose. Regard sur un mouvement visant à favoriser l’aménagement de lieux d’enseignement sains, confortables et durables au Québec.
Nombre des quelque 3 000 écoles que compte le Québec, force est-il de le constater, ne paient vraiment pas de mine. Seulement sur le seul territoire de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), la vétusté avancée d’une trentaine de bâtiments ne laisse entrevoir d’autre choix que leur démolition. Sans compter que plusieurs autres établissements présenteraient une dégradation telle que l'urgence de la situation exigerait une réhabilitation majeure, rendant du coup la cohabitation avec les élèves presque impossible.
Ce triste constat établi en 2013, alors que la CSDM dressait sa liste des écoles en fonction de leur état de vétusté, sonne l'alarme. Non seulement sur le territoire montréalais, mais un peu partout à l'échelle du Québec où les écoles ont été construites dans les années 60, voire bien avant dans certains cas.
De là à penser que le temps est venu de repenser la façon de concevoir les bâtiments scolaires, de la réhabiliter, de les exploiter et de les entretenir de façon durable, il n’y a qu’un pas. Histoire de pouvoir transformer de manière tangible ces lieux, tout en observant un effet significatif sur la santé des élèves, sur les frais d'exploitation des écoles et sur l'environnement. Et sur leur rendement scolaire aussi.
C’est que le concept des écoles vertes ne se limite pas qu'à la brique et au mortier. Bien au-delà de la notion de bâtiment, ces lieux doivent offrir un environnement sain et propice à l’apprentissage, tout en favorisant les économies d'énergie. Des gestes tout à fait honorables tel l'encouragement à recycler et à composter sont posés, mais cela ne suffit pas dans une optique globale de développement durable. D’autant plus que, nouvelles ou existantes, toutes les écoles peuvent devenir écologiques.
L'école primaire Bertschi de Seattle, sur la côte ouest américaine, illustre parfaitement la nouvelle tangente que prennent les établissements scolaires chez nos voisins du Sud. En relevant le Défi du bâtiment vivant avec l'aile des sciences de son campus, elle recevait au printemps 2013 la certification Living Building Challenge, version 2.0. Non seulement ce bâtiment hautement performant sur le plan environnemental accueille-t-il sur ses bancs des élèves qui se familiariseront avec la gestion de l'eau, de l'énergie et des déchets, mais il les instruit sur les concepts écologiques qu'on y préconise.
Toujours aux États-Unis, l'initiative proposée par le Center for Green Schools s'inscrit dans une dynamique de transformation de toutes les écoles en des lieux sains et durables, au cours de la présente génération. L’organisme travaille en collaboration avec les professeurs, étudiants, administrateurs, élus et communautés pour offrir des programmes et des ressources avec en tête un objectif : celui de bâtir des partenariats pour faire de chaque école des milieux d'apprentissage sains et stimulants.
Mouvement québécois
À l’évidence, le Québec ne restera pas sur la voie d’accotement avec la mise sur pied de la Coalition québécoise pour les écoles vertes en décembre dernier. Interpellé par cette cause, l’ingénieur en mécanique Martin Roy n'a pas hésité un instant à adhérer à ce mouvement. Il précise : « Je m'implique personnellement et j'aimerais voir davantage d'intervenants s'engager en tant que partie prenante au projet. Mon engagement se situe au niveau de la formation de notre coalition qui fait elle-même partie de la coalition canadienne, dont les actions sont implantées depuis l'année passée.
« Leur mission, ajoute celui qui est devenu à l’automne 2013 le premier Fellow LEED québécois, vise à faire comprendre les avantages d'une école plus verte. Le mouvement est issu de la coalition mondiale, elle-même originaire des conseils du bâtiment durable qu'on retrouve dans divers pays. Elle a pris naissance aux États-Unis avec le Conseil américain du bâtiment durable et déjà plusieurs actions précises ont été faites pour en faire la promotion. »
Martin Roy fait appel à la responsabilité collective qui doit être prise à l’égard des enfants et de leur avenir environnemental. « On manque actuellement d'information pour convaincre les gens qu'une école doit être un milieu sain, plus durable, fait-il remarquer. Pourtant, plusieurs études scientifiques menées dans les écoles ont démontré les avantages découlant d'une bonne qualité d'air et du bon type d'éclairage naturel, avec comme résultat une amélioration des apprentissages qui atteint les 25 %.
« En clair, poursuit-il, le but ultime de cette coalition est que chaque enfant de cette génération puisse avoir accès à une école qui permet de meilleurs apprentissages, qui minimise son impact sur l'environnement et, surtout, qui va rendre les enfants plus sensibles à la cause environnementale. Plus que de l'argent, c'est de la mobilisation qu'il nous faut, car au point où l'on en est, ce n'est même plus une question de choix. »
Au terme école verte, André Bourassa, associé de Bourassa Maillé architectes, préfère l’expression démarche verte ou écoresponsable de la part du ministère, dont il considère l'expertise en bâtiment digne de mention. « Mais comme la gestion des écoles dépend des commissions scolaires et que celles-ci n'ont pas toute la même philosophie à l’égard de la gestion des immeubles, cela pose problème », observe-t-il.
Pour lui, le concept d'école écologique réside d'abord dans ses opérations et ses conceptions. À titre d'exemple, un programme de plantation dans les cours d'école pourrait être encouragé par le ministère, ce qui constituerait une démarche verte peu onéreuse s'insérant dans un programme d'éducation aux enfants.
De l’exception à la règle
Associé d’ABCP Architecture, Dany Blackburn connaît bien les rouages de la conception d'une école écologique, lui qui a fait partie de l’équipe du projet de l'école de la Grande-Hermine à Québec, le premier établissement scolaire primaire certifié LEED-NC dans la province. Une réalisation qui a démontré qu'il est possible de concevoir et de bâtir des établissements de qualité dans le réseau scolaire québécois.
Il estime que le défi de verdissement des écoles, dans l’avenir, s'établira selon deux ordres : pour les écoles existantes, d'abord, en améliorant la performance des systèmes d'enveloppe et de mécanique du bâtiment, puis en diminuant le déficit de nature dans les cours d'école « Le remplacement des fenêtres par d’autres à haut rendement énergétique, l'augmentation de l'isolation des murs et toiture, l'amélioration de l'étanchéité à l'air dans les murs, pour ne nommer que ceux-ci, sont d'autant d'éléments à prendre en considération pour améliorer la performance des systèmes d'enveloppe et mécanique », précise-t-il.
Et pour contrer le déficit de nature trop présent dans les cours d'école, il avance qu’il faudrait voir à diminuer les surfaces asphaltées par l’ajout de surfaces végétalisées, sinon les remplacer par des surfaces réfléchissantes en béton blanc ou de couleur pâle afin de réduire les îlots de chaleur.
À ses yeux, l’aménagement de jardins de pluie et l'utilisation de l’eau pluviale pour l'arrosage constitue aussi une excellente solution pour verdir les cours d'école. Tant de petits gestes à poser sans que s'engagent nécessairement des coûts faramineux. « Construire des écoles de manière à réduire l'empreinte écologique et sur la vie utile devrait constituer la règle et non l'exception », conclut-il.
Partant du principe qu'une école verte repose sur trois piliers, soit la minimisation de l'impact environnemental des écoles, la santé des occupants et la sensibilité environnementale qui se situe au cœur des valeurs apprises aux élèves de ces écoles, il faut nécessairement :
- réduire la consommation en eau ;
- limiter la production de déchets ;
- diminuer les émissions de gaz à effet de serre ;
- favoriser la qualité de l'air, l'éclairage naturel et l'environnement acoustique qui sont autant d'éléments internes clés pour optimiser le confort, la satisfaction, la santé et la productivité ;
- et inclure l'apprentissage environnemental dans le curriculum.
- Le financement, principal frein à la mise en place des écoles vertes
- Le manque de ressources humaines, la réalisation de projets environnementaux dans les écoles s'avérant souvent difficile vu le manque de mobilisation des acteurs concernés (les projets s'éparpillent au lieu de s'intégrer dans un tout structuré)
- La méconnaissance des impacts favorables relatifs au bâtiment durable sur les apprentissages des élèves
- Réussite des élèves : les espaces propices à l'apprentissage (espaces intérieurs bien aérés, chauffés, éclairés…) permettent d’améliorer le rendement des élèves ;
- Économie de ressources : le principal avantage environnemental et économique démontrable que procure la construction d'une école verte concerne la réduction et la consommation d'eau et d’énergie ;
- Viabilité financière : les écoles vertes coûtent généralement moins cher à exploiter et permettent aussi de recouvrer leurs coûts de construction supplémentaires plusieurs fois au cours de la durée de vie du bâtiment ;
- Gérance environnementale : l'influence qu'aura une école verte sur les élèves et sur la communauté scolaire constitue l'incidence environnementale la plus importante.