Mine de rien, nous passerions 90 % de notre temps à l’intérieur. De là l’importance de concevoir des milieux de vie sains et confortables où il fait bon vivre et travailler.
Si la préoccupation envers la santé et le bien-être des usagers ne date pas d’hier, force est de constater qu’elle est de plus en plus perçue comme un incontournable dans l’industrie. La certification WELL, créée il y a huit ans, se fait le porte-étendard [tout comme Fitwel] de cette sensibilisation grandissante à l’impact des aménagements intérieurs sur la santé et le bien-être. « La certification WELL vient remettre l’usager au coeur du projet », s’enthousiasme Andréa Veilleux, designer certifiée APDIQ, PA-LEED et PA-WELL chez VAD Designers d’espaces.
C’est d’autant plus vrai dans cette ère post-pandémie où plusieurs ont goûté au confort de travailler à la maison. Le bien-être au travail est ainsi devenu un incontournable pour retenir les talents et la jeune génération.
« Les gens veulent se sentir comme à la maison », poursuit Andréa Veilleux. D’ailleurs, l’adoption de la certification WELL a été prouvée pour améliorer la rétention des employés, réduire le taux d’absentéisme et augmenter la productivité au sein des entreprises.
Mais au-delà du bien-être des employés, celui de la clientèle est aussi à ne pas négliger, certains choix de design pouvant contribuer à réduire leur niveau de stress. Josée Lupien, présidente de Vertima, LEED Fellow et PA WELL, donne l’exemple du cabinet d’avocats Fasken, à Québec, qui s’est inspiré des principes WELL pour l’aménagement de ses bureaux. « Un des commentaires qu’ils ont le plus souvent est que les gens se sentent plus paisibles quand ils vont là », mentionne-t-elle.
Une approche globale
Tout comme la santé est multidimensionnelle, la certification WELL mesure 10 concepts clés pour le bien-être des individus : la qualité de l’air, la qualité de l’eau, la nutrition, la qualité de l’éclairage et l’apport de lumière naturelle, l’intégration de l’activité physique, le confort thermique, le confort acoustique, la santé mentale et émotionnelle, les initiatives sociales et les matériaux sains. Ces aspects touchent donc non seulement l’aménagement des espaces, mais aussi les politiques d’entreprise, rendant cette approche très holistique.
Plusieurs de ces concepts ne sont pas sans rappeler les principes de design biophilique, qui visent à reproduire les bienfaits physiologiques et psychologiques du contact avec la nature dans les environnements intérieurs. Chacun est accompagné de propositions de stratégies à adopter, offrant une structure claire pour les professionnels du bâtiment et les gestionnaires. Des points sont également offerts pour l’innovation.
« De base, maximiser la lumière naturelle pour le plus grand nombre d’usagers possible est une des stratégies d’aménagement qui apporte énormément de bienfaits pour la santé physique et cognitive », estime Andréa Veilleux, précisant qu’il s’agit là d’un point qui a d’abord été apporté par la certification LEED.
Aujourd’hui, LEED V4 et WELL se ressemblent sur plusieurs points, fait valoir Mélanie Pitre, vice-présidente, Développement durable et ingénierie chez Ædifica. Mais la grande différence réside dans les tests qui doivent être réalisés sur place une fois le produit installé, lesquels doivent être renouvelés tous les trois ans. « On va ainsi mesurer les particules qui pourraient être dans l’air et qui seraient potentiellement contaminantes ou polluantes. »
Josée Lupien mentionne que la certification WELL s’est aussi grandement adaptée au fil des années, ce qui la rend plus accessible. « On retrouve aujourd’hui trois grands programmes de certifications, soit Équité, Health and Safety et Performance », énumère-t-elle. Une nouvelle solution flexible, intitulée WELL at Scale, permet également de certifier différents bâtiments ou divisions selon les besoins spécifiques des entreprises. « Elles peuvent, par exemple, décider que pour leur siège social, elles vont faire un WELL at Scale Équité, et pour l’entrepôt, faire le WELL Health and Safety, précise Josée Lupien. Ainsi, peu importe le nombre de bâtiments, elles vont payer un prix annuel et pouvoir jongler avec les différentes certifications WELL. »
Le choix des matériaux
Au-delà de l’aménagement, les matériaux utilisés ont également leur importance, puisque plusieurs produits utilisés par le passé ont démontré avoir des effets sur la santé des individus avec le temps.
Mais qu’est-ce qu’un matériau sain, au juste ? Josée Lupien explique qu’il s’agit d’un matériau qui est le plus près de son état pur et le moins toxique possible. Pour cela, il faut avoir des données transparentes sur tout son cycle de vie.
« En 2005, au début de ma carrière, on parlait déjà de matériaux sains, notamment en ce qui a trait aux composés organiques volatils ou COV, se souvient Mélanie Pitre. Le problème était que les fournisseurs n’avaient pas tous l’information nécessaire à l’époque pour bien documenter leurs produits. » Elle ajoute qu’aujourd’hui, WELL va également spécifier quels éléments ne doivent pas se retrouver dans les matériaux, comme le mercure, le chrome, le cuivre, le plomb et le cadmium en plus de demander des authentifications de laboratoire pour s’assurer que les mesures sont exactes.
L’ingénieure précise que malgré les exigences plus strictes de la certification WELL, elle est d’avis que l’industrie est prête à faire ce bond en avant. « Ce qu’on voit, c’est que les différentes organisations comme l’IWBI pour WELL et l’USGBC pour LEED ont travaillé avec l’industrie pour que les fabricants soient prêts à fournir l’information aux concepteurs et à développer des matériaux qui sont toujours plus sains et plus durables. » Elle ajoute qu’il existe aujourd’hui une grande disponibilité de matériaux sains sur le marché.
Plusieurs certifications permettent d’ailleurs de valider la non-toxicité des matériaux, facilitant ainsi le travail des concepteurs. Parmi elles, on retrouve notamment Greenguard, Declare, Cradle-to-Cradle, FloorScore et Green Label Plus. « Ce sont des déclarations sanitaires de produit, ou HPD », explique Josée Lupien. À ne pas confondre avec les déclarations environnementales de produit, ou DEP. « Les HPD divulguent les ingrédients chimiques et l’impact sur la santé. Les DEP, elles, s’intéressent aux impacts environnementaux des produits et fournissent les données sur tout le cycle de vie. »
Andréa Veilleux met cependant un bémol. « Un matériau sain n’a toutefois pas forcément une fiche en raison des coûts que cela engendre pour les fabricants », nuance-t-elle. Elle donne l’exemple d’un projet dans le cadre duquel elle et son équipe ont utilisé du bois récupéré provenant d’arbres infectés par l’agrile du frêne, un produit visiblement naturel pour lequel aucune fiche n’était disponible. « C’est pourquoi il est important d’utiliser notre esprit critique et d’évaluer au cas par cas », précise la designer, qui met également en garde contre le greenwashing.
Heureusement, les matériaux sains et locaux sont de plus en plus accessibles et documentés. Ainsi, en plus des certifications de matériaux sains, Andréa Veilleux aime bien se référer aux répertoires indépendants Ecomedes et Green Building, ou encore aux répertoires de produits locaux.
Passer à l’action
Avant de se lancer dans un projet WELL, Mélanie Pitre conseille d’adapter sa stratégie en fonction qu’il s’agisse d’un projet privé ou d’un projet public. « Dans les projets publics, on ne peut pas choisir nous-mêmes les matériaux, car l’entrepreneur n’est souvent pas connu à l’étape de la préparation des devis, préciset- elle. On va donc aller spécifier les exigences de performance et les labels sur lesquels on veut que l’entrepreneur se base. »
Elle donne l’exemple de l’école primaire au Domaine-sur-le- Vert, à Saint-Hyacinthe, où elle et son équipe ont dû travailler avec le Centre de services scolaire avant même de discuter des matériaux avec les architectes. « On doit vraiment s’asseoir ensemble dès le départ et essayer de faire le portrait de ce qu’on veut aller chercher comme exigences de performance de santé et de bienêtre pour le projet. Est-ce qu’on se concentre sur les produits ? Est-ce qu’on se concentre sur le bien-être de l’individu dans l’espace ? Sur son confort plutôt que sa santé ? », explique-t-elle. Il fallait aussi valider les devis d’approvisionnement pour s’assurer que ceux-ci répondaient aux exigences ciblées. « Par exemple, on voulait s’assurer que les surfaces seront nettoyées avec un produit écologique ».
Pour le FLEX à la Place Ville Marie, Andréa Veilleux et son équipe ont non seulement adopté une conscience WELL lors de la conception en intégrant à l’aménagement des éléments de biophilie, mais ont également mis l’accent sur la diversité des espaces de travail. « Il y a une tendance actuellement vers le partage des espaces de travail et les postes non assignés, précise-t-elle. Par cette approche, on favorise l’autonomie de l’usager qui peut alors choisir son environnement en fonction de ses préférences et on reconnaît alors que les individus ont des besoins différents. »
Josée Lupien ajoute que la santé et le bien-être des usagers s’inscrivent d’ailleurs dans une autre tendance qui gagne du terrain dans les entreprises : les rapports ESG. Inspirés des rapports de développement durable des entreprises, ceux-ci incluent également des indicateurs de performance pour le volet social et celui de la gouvernance, ce qui permet de prendre en compte l’impact de l’ensemble des activités d’une organisation. Comme quoi la santé des usagers fait partie des nouvelles valeurs des entreprises qui souhaitent se démarquer.
- Toujours vérifier l’information et les sources pour éviter le greenwashing
- Travailler avec un professionnel agréé LEED et WELL
- Travailler en collaboration avec les fournisseurs
- Bien définir les objectifs de santé et de bien-être visés
- Approuver les matériaux de l’entrepreneur
- Se centrer sur les objectifs
- Hausse de 26 % du sentiment de bien-être dans les espaces
- Augmentation de près de 30 % de la satisfaction des usagers
- Réduction de l’absentéisme au bureau
- Augmentation de 10 points médians de productivité
- Hausse de 10 % de la santé mentale des usagers et de 2 % de leur santé physique