De grands pas ont été franchis au Québec, ces dernières années, sur le plan de la récupération des débris de construction et de démolition. Mais beaucoup reste encore à faire pour en favoriser l’essor de cette filière.
Par Rénald Fortier
Les exigences des certifications LEED et BOMA BESt à l’égard de la gestion des matières résiduelles, l’introduction de la norme du BNQ couvrant l’utilisation de matériaux recyclés en remplacement de granulats neufs, l’éveil de la conscience environnementale d’un nombre grandissant d’acteurs de la construction ou oeuvrant dans le giron de l’industrie… Ce sont là autant de raisons qui ont concouru à détourner de l’enfouissement un volume sans cesse croissant de débris de chantier au Québec.
Tout comme y ont contribué, évidemment, les efforts déployés par Recyc-Québec et le 3RMCDQ (Regroupement des récupérateurs et des recycleurs de matériaux de construction et de démolition du Québec) pour sensibiliser le milieu de la construction à l’importance de la récupération, du réemploi, du recyclage et de la valorisation des matériaux. Et aussi pour développer des filières d’écoulement pour les matières : béton, bois, bardeau, etc.
C’est sans compter l’émergence d’une véritable infrastructure de récupération en sol québécois. « L’offre pour la récupération s’est multipliée ces dernières années, observe le président du 3RMCDQ, Sébastien Richer, alors qu’elle se limitait essentiellement auparavant à la récupération des métaux. De nouvelles plates-formes sont apparues, par exemple le broyage du bois, de même que de plus en plus de centres de tri aptes à recevoir les débris de chantier pêle-mêle.
« Nous sommes partis de loin, de très loin même quand on pense que la récupération des débris de CRD était à toute fin utile inexistante il y a encore une quinzaine d’années, ajoute celui qui est aussi président de la firme sherbrookoise Gestion Ressources Richer. Aujourd’hui, on assiste à l’émergence d’une véritable industrie de la récupération. »
Mais à ses yeux, il reste encore beaucoup de travail à faire, surtout quand on sait que le béton, l’asphalte, la brique et la pierre comptent à eux seuls pour plus des trois quarts des débris récupérés et valorisés. C’est dire comment on peut améliorer notre performance pour les autres matières issues des chantiers de construction, surtout dans le domaine du bâtiment.
L’essor de la récupération est intimement lié au potentiel de commercialisation des matières à réutiliser, à recycler ou à valoriser. Car c’est une chose de disposer de l’infrastructure requise pour récupérer, trier et traiter les débris de CRD, mais ça en est une autre de pouvoir les écouler sur les marchés.
S’il y a eu de belles avancées de ce côté, par exemple pour les résidus de bois et les bardeaux d’asphalte postconsommation, reste que le secteur de la récupération doit encore en arriver à développer des débouchés durables pour plusieurs matières. C’est notamment le cas du gypse, pour lequel les conditions de marché ne sont pas nécessairement reluisantes actuellement.
Pour poursuivre avec l’exemple du gypse, Sébastien Richer indique qu’il faut trouver un marché stable qui soit suffisamment rentable compte tenu des coûts liés à sa récupération et son conditionnement. Si les prix continuent d’être assez faibles, selon son dire, les récupérateurs devront obtenir une meilleure rétribution à l’entrée. C’est-à-dire que s’ils ne peuvent se financer à partir de la vente de la matière recyclée, ils devront le faire à partir de la réception des matériaux à récupérer.
Mais le prix exigé par les récupérateurs ne doit-il pas nécessairement être inférieur à celui de l’enfouissement ? « Toujours, répond-il tout de go, c’est une règle économique implacable. C’est d’ailleurs pourquoi l’augmentation de la redevance à l’enfouissement est un enjeu majeur pour nous. Parce que l’on ne croit pas que le marché de la revente des matières permettra de financer l’ensemble de nos activités d’exploitation. »
D’où l’importance de l’ajout prévu de 9,50 dollars la tonne à la redevance à l’enfouissement. Instaurée par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec en 2006, et indexée annuellement, cette redevance s’établit aujourd’hui à un peu plus de 10 dollars la tonne.
Ouvrir les marchés
Le 3RMCDQ a été très proactif, ces dernières années, pour développer les marchés de la récupération, du recyclage et de la valorisation des matières résiduelles issues des chantiers de construction, de rénovation et de démolition. De concert avec différents partenaires, il a ciblé des matières les unes après les autres en vue de leur trouver des débouchés. Ce fut d’abord le cas des agrégats (débris de béton de ciment, d’enrobé bitumineux, de pierre et de brique), puis celui du bois et des bardeaux d’asphalte. Plus récemment, il s’attaquait au dossier du gypse.
Et il n’entend pas en rester là. Des groupes de travail ont été mis sur pied pour se pencher sur certains marchés présentant d’importants enjeux aux yeux de l’organisme. L’un de ces comités a pour mandat de résoudre la problématique entourant les agrégats.
« Ce n’est pas vraiment de les récupérer qui pose problème, expose Sébastien Richer, c’est plutôt de les écouler. Les débouchés sont actuellement encore restreints, ce qui fait que les cours des récupérateurs et des recycleurs commencent à être pleines. On souhaiterait donc que les municipalités soient plus sensibles à la possibilité d’utiliser des agrégats recyclés dans les travaux publics, comme le fait le ministère des Transports du Québec.
« Ce même comité est aussi chargé de définir les meilleures conditions d’exploitation dans nos installations, poursuit-il, pour nous assurer que notre industrie agisse en citoyen responsable. L’idée, c’est de nous donner un cadre d’exploitation qui soit conforme à nos convictions environnementales. »
Un autre comité suit le dossier du bois afin de voir comment le marché peut être stabilisé pour en assurer le développement à long terme. Un troisième groupe de travail se penche, pour sa part, sur la question de la main-d’œuvre « Attirer et retenir des travailleurs compétents, c’est un enjeu majeur pour nous, indique le président du 3RMCDQ. Nous allons donc examiner comment nous pouvons offrir les meilleures conditions possibles et les plus intéressantes perspectives d’emploi à ceux que notre industrie intéresse. »
Pour Sébastien Richer, il ne fait aucun doute que l’industrie des 3RV est vouée à un bel avenir. « Le potentiel est là, les mentalités changent à l’égard de la récupération des matériaux et nous mettons tout en œuvre pour établir les conditions qui permettront d’assurer l’essor du secteur à long terme. »