Une solution éconergétique des plus rentables pour les bâtiments commerciaux et institutionnels : la récupération de chaleur sur le refroidissement.
Que ce soit pour améliorer la performance énergétique d’un bâtiment en place ou pour en concevoir un nouveau, la récupération de chaleur sur le refroidissement est une des mesures d’efficacité énergétique les plus rentables pour les grands bâtiments commerciaux et institutionnels au Québec. Pourtant, il n’est pas rare de voir un tel bâtiment évacuer d’importantes quantités de chaleur en pleine période de chauffage.
Malgré de grands surplus d’énergie thermique dans certaines zones du bâtiment en période de chauffage, les chaudières consomment au même moment beaucoup de combustible ou d’électricité pour produire la chaleur requise pour combler les besoins d’autres zones. La récupération de chaleur sur le refroidissement consiste à récupérer ces grandes quantités d’énergie, autrement rejetées dans l’environnement, et à les utiliser pour répondre aux besoins en énergie thermique ailleurs dans le bâtiment.
L’énergie ne peut disparaître, selon le principe de conservation de l’énergie. Elle peut sortir du bâtiment par l’enveloppe ou par l’évacuation d’air vicié, mais il est impossible qu’elle disparaisse ; elle est simplement transformée. C’est un principe physique de base.
Une pompe qui a une efficacité globale de 50 % transforme 50 % de l’énergie électrique en énergie thermique et 50 %, en énergie cinétique induite à un fluide. L’énergie cinétique est par la suite transformée en énergie thermique par la friction du fluide à l’intérieur des conduits. Si cette énergie cinétique n’était pas transformée, il suffirait de donner une impulsion au fluide et il circulerait dans la boucle de façon perpétuelle. C’est la même chose pour la ventilation.
Dans le cas d’un ascenseur dont l’efficacité est de 80 %, 20 % de l’énergie électrique est transformée en énergie thermique et 80 %, en énergie potentielle. Cette énergie potentielle induite aux passagers qui montent dans l’ascenseur est par la suite transformée en chaleur par les freins de l’ascenseur lorsque ces passagers redescendent.
Dans le cas d’un appareil d’éclairage d’une efficacité énergétique de 90 %, 10 % de l’énergie électrique est transformée en énergie thermique et 90 %, en énergie lumineuse. Cette énergie lumineuse est par la suite convertie en énergie thermique lorsqu’elle est absorbée par les surfaces.
Conversion de chaleur
Sans égard à l’efficacité des équipements, toute consommation électrique, donc, est convertie en chaleur. Il est ainsi permis d’affirmer que, mis à part quelques exceptions somme toute mineures comme l’éclairage extérieur, la chaleur évacuée par l’air vicié et les eaux grises, la consommation électrique d’un bâtiment entraîne un apport égal d’énergie thermique à l’intérieur de son enveloppe.
Même en excluant le chauffage électrique, la majeure partie de cet apport thermique est présente en période de chauffage. Lorsque les équipements de refroidissement ne sont pas conçus pour récupérer cette énergie, une partie de l’apport thermique compense partiellement les pertes par l’enveloppe, mais la majeure partie de la chaleur dégagée par les ordinateurs, l’éclairage, le refroidissement, la réfrigération et les autres équipements électriques, ainsi que celle dégagée par les occupants sont évacuées hors du bâtiment de deux façons :
- par refroidissement gratuit en remplaçant l’air chaud intérieur par de l’air froid provenant de l’extérieur ;
- par des équipements mécaniques comme des refroidisseurs.
Le refroidissement gratuit permet de diminuer la consommation électrique des équipements de refroidissement. Par contre, lorsque le bâtiment est humidifié, il en résulte une importante augmentation de la consommation des équipements d’humidification. De l’air extérieur à -5 °C dont le taux d’humidité relative est de 70 %, par exemple, verra son ton d’humidité relative passer à 10 %, dans un bâtiment, à 22 °C.
Il faut donc ajouter beaucoup de vapeur, dans les systèmes de ventilation, au mélange de cet air et de l’air recirculé afin de maintenir un taux d’humidité relative supérieur au niveau prescrit – par exemple 25 % – pour assurer le confort et la santé des occupants. Lorsqu’il y a de l’humidification, le refroidissement « gratuit » est donc loin de l’être et l’économie d’énergie de cette façon de faire est beaucoup plus faible qu’il n’y paraît.
En cessant le refroidissement gratuit et en utilisant des refroidisseurs appropriés pour la récupération de l’énergie en période de chauffage, une grande part de la chaleur produite par les chaudières peut être remplacée par celle évacuée des zones en surplus de chaleur. Certains refroidisseurs peuvent évacuer la chaleur en produisant de l’eau de chauffage à 66 °C (150 °F).
Cette température est suffisante pour les réseaux de chauffage, ce qui permet de refroidir les zones en surplus de chaleur en évacuant cette dernière dans les réseaux de chauffage en place. On peut ainsi éviter, en partie, le fonctionnement des équipements de production de chaleur :
- en produisant de l’eau de chauffage sans les chaudières ;
- en chauffant l’eau chaude sanitaire jusqu’à 60 °C, sans utiliser d’éléments électriques ou de brûleurs, à l’aide d’un échangeur de chaleur avec système de recirculation en continu ;
- en préchauffant l’eau destinée à l’humidification par un échangeur de chaleur avant d’arriver aux chaudières à vapeur. Ces dernières consomment ainsi beaucoup moins d’énergie, car elles n’ont plus qu’à porter à ébullition une eau déjà préchauffée à 50 °C plutôt qu’une eau d’aqueduc qui se situe à 5 °C l’hiver et à 20 °C l’été.
La récupération de chaleur sur le refroidissement permet l’arrêt des tours de refroidissement par temps froid. Or, l’utilisation des tours de refroidissement par temps froid cause une usure prématurée en raison de la formation de glace. Cette mesure réduit donc les coûts d’entretien des tours de refroidissement et allonge leur durée de vie.
De plus, les tours de refroidissement sont parmi les plus grands consommateurs d’eau dans les bâtiments ; la récupération de chaleur permet donc d’y réduire la consommation d’eau potable de façon notable. La réduction des besoins d’humidification résultant de l’arrêt du refroidissement gratuit résulte aussi en une économie d’eau potable.
Les économies d’énergie qui résultent de la mise en place de cette mesure dans un grand bâtiment commercial ou institutionnel sont considérables, et la période de rendement du capital investi est généralement courte. Cette mesure devrait être étudiée pour tous les grands bâtiments CI au Québec, que ce soit pour améliorer la performance énergétique d’un bâtiment en place ou pour en concevoir un nouveau.
*Stéphan Gagnon, ing., CEM, LEED GA, est coordonnateur du service d'accompagnement technique chez Transition énergétique Québec