Par Hugo Lafrance, LEED Fellow, WELL Faculty, Fitwel Ambassador
Nul besoin de rappeler les différentes façons dont la pandémie a déstabilisé les individus, les entreprises et l’immobilier. Mais qu’en est-il des organisations qui font la promotion d’aménagements plus sains, des certifications qui mesurent les aspects de santé et bien-être de projets, se sont-elles adaptées ?
Les deux organisations derrière les principales certifications axées sur la santé en bâtiment ont rapidement multiplié les efforts, un peu de la même manière. D’abord, en élaborant une boite à outils pour mettre à disposition des ressources sur la COVID-19 et des recommandations sur les mesures à prendre pour mitiger la contamination dans les milieux de travail. Puis en créant des systèmes d’évaluation pour les bâtiments existants axés sur les meilleures pratiques à l’intersection de la santé publique et de la gestion immobilière.
L’International WELL Building Institute a créé en 2020, à partir de WELL, une certification simplifiée nommée WELL Health + Safety Rating qui évalue les bâtiments sur une vingtaine de critères concernant le contrôle de la contamination, la gestion des risques et la sensibilisation des usagers. Inspiré par l’expérience des projets WELL, un comité-conseil de plus de 600 experts a collaboré afin d’établir une série de critères d’opérations immobilières et de gestion organisationnelle pour assurer la sécurité des gens.
Le Center for Active Design, responsable de la certification Fitwel, a lancé en 2020 son Fitwel Viral Response Module afin d’instaurer un nouveau standard pour mitiger la propagation virale dans les bâtiments. En travaillant notamment avec le Centre américain de contrôle et de prévention des maladies (U.S. Center for Disease Control and Prevention) et une équipe de chercheurs, il a contribué à établir des exigences minimales et une approche multicritère visant à améliorer les environnements intérieurs, à encourager le changement de comportement et à renforcer la confiance des occupants.
Fait intéressant, les deux nouvelles certifications sont très abordables, soit 4200 et 4500 dollars américains respectivement, et ont toutes deux des échéanciers de vérification relativement courts d’environ deux mois. Ainsi, un propriétaire ou gestionnaire immobilier bien préparé peut documenter son projet et obtenir rapidement une certification pour mettre en confiance des employés lors de leur retour au bureau.
Ainsi, on peut noter que WELL et Fitwel ont eu des réactions semblables qui ont mené à l’établissement rapide de certifications crédibles pour gérer le retour au bureau ainsi que le risque de contamination dans les immeubles.
Comment définit-on un bâtiment sain? L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit un bâtiment sain comme un espace qui favorise la santé et le bien-être physiques, psychologiques et sociaux des personnes. Cet intérêt pour une approche plus holistique de l’immobilier a été mis en oeuvre dans un large éventail de stratégies de conception et d’opérations dans le cadre de ces deux certifications.
La demande croissante de bâtiments sains
Comme l’indique le rapport intitulé A New Investor Consensus : The Rising Demand for Healthy Buildings (Un nouveau consensus d’investisseurs : la demande croissante pour les bâtiments sains), publié par l’organisme derrière Fitwel, les investisseurs immobiliers s’attendent à ce que la demande de bâtiments sains augmente au cours des trois prochaines années. Il s’agit de l’un des résultats présentés dans cette étude internationale sur la santé et le bien-être réalisée auprès de gestionnaires en investissement immobilier.
Les répondants à cette étude possédaient un total d’actifs sous gestion de plus de 5750 milliards de dollars américains (dont 58 % en Amérique du Nord). Parmi ceux-ci, 34 % détenaient un portfolio diversifié, 24 % en édifices de bureaux et 21 % en immeubles résidentiels. Parmi les faits saillants, ce sont tout d’abord les locataires qui font les demandes pour des bâtiments sains, à commencer par les bureaux.
Coordonnée par BentallGreenOak (BGO), l’Initiative financière du Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP FI) et le Center for Active Design (CfAD), l’étude définit les bâtiments sains comme étant ceux optimisés pour la santé et la sécurité des occupants grâce à l’implantation de stratégies de conception et d’exploitation qui améliorent de façon mesurable les indicateurs de santé physique, sociale et mentale. Selon Joanna Frank, présidente et chef de la direction, Center for Active Design et Fitwel®, « cette étude quantifie pour la première fois dans quelle mesure l’industrie se concentre sur la santé et le bien-être dans les stratégies d’investissement ESG (Environnement, Social, Gouvernance) ».
Le rapport révèle comment la COVID-19 a accru l’importance de la santé dans la prise de décision d’investissement et comment les répondants ont l’intention d’améliorer leurs stratégies de gestion d’actifs liées au bien-être. En effet, 89,5 % des répondants de l’étude prévoient bonifier leur stratégie santé en immobilier au cours de l’année à venir.
La valeur financière des bâtiments sains
Une des études intéressantes publiées dans les derniers mois provient du Real Estate Innovation Lab du MIT (Laboratoire en innovation immobilière du Massachusetts Institute of Technology). Elle part de la prémisse énonçant que si les avantages des espaces sains sont depuis longtemps compris et appréciés qualitativement, leur valeur et leur impact sur la prise de décision économique n’ont pas été analysés financièrement. Dans cette recherche, les bases de données publiques de Fitwel et WELL ont été utilisées pour opérationnaliser un modèle immobilier afin de déterminer la valeur des espaces sains sur le loyer effectif des locaux pour bureaux dans dix villes des États-Unis.
Le résultat indique que les loyers effectifs des bâtiments sains se négocient entre 4,4 et 7,7 % de plus par pied carré que leurs homologues non certifiés et non enregistrés à proximité. Cette prime pour les espaces sains est indépendante de tous les autres facteurs, tels que la certification LEED, l’âge du bâtiment, la rénovation, la durée du bail et le sous-marché. Ces résultats indiquent que les bâtiments sains sont considérés comme un atout en corrélation avec le bien-être et la productivité des employés ou des locataires.
Après avoir retenu 407 projets de bâtiments sains couvrant 2322 contrats de location d’espaces sains, les chercheurs ont extrait d’une plateforme nationale les points de données des contrats de location et les ont fait correspondre avec des espaces sains à proximité sur le même marché du quartier pour assurer des contrôles de qualité.
Devant les tendances, l’heure des choix
Partout dans le monde, de nombreuses communautés sont confrontées à des tendances inquiétantes en matière de santé. Bien que les gens vivent plus longtemps, ils mènent une vie moins saine. D’ici 2030, on prévoit que 52 millions de personnes mourront des suites de maladies chroniques causées par un mode de vie médiocre. C’est cinq fois le nombre de maladies transmissibles.
Face à ces problèmes, les impacts de l’environnement du bâtiment sont devenus un élément de plus en plus important dans la lutte contre ces facteurs de risque étant donné que l’Américain moyen passe 90 % de son temps à l’intérieur (Allen et coll., 2016), dont une partie importante au travail. La santé ne s’arrête pas à l’hôpital, elle commence dans nos maisons, à notre travail et dans notre vie quotidienne.
Sources :
Fitwel
MIT Real Estate Innovation Lab
Hugo Lafrance est associé, stratégies durables, chez Lemay. Spécialiste des certifications en environnement et en santé pour les projets d’aménagement, il siège au comité directeur LEED Canada du CBDCa et il agit à titre de membre du comité des communications pour Bâtiment durable Québec (BDQ).