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22 mars 2023

Le Fonds immobilier de solidarité FTQ entend imprimer son leadership sur le plan de la responsabilité sociétale des entreprises dans le secteur immobilier de concert avec ses partenaires.

Par Kathy Noël

En juin 2021, le Fonds immobilier de solidarité FTQ adoptait une politique-cadre de responsabilité sociétale de l’entreprise pour intégrer les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans son portefeuille immobilier. Voir vert a rencontré Marianne Duguay, vice-présidente principale à la gestion des actifs immobiliers et présidente du comité consultatif ESG au Fonds immobilier, pour en savoir plus sur sa démarche.

Quelle est la philosophie derrière l’adoption de cette politique ?

C’est en ligne avec la vision 2026 de la maison mère, le Fonds de solidarité FTQ, qui est d’être reconnu comme un investisseur d’impact et un chef de file dans l’immobilier durable. Nous voulons aider les développeurs, les entreprises et les gestionnaires immobiliers à agir concrètement pour la transition. On s’est demandé vers où accompagner nos partenaires maintenant ? Et on a choisi de le faire dans cette lignée-là, pour être de meilleurs citoyens corporatifs et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Quel a été l’élément déclencheur ?

C’est dans notre ADN depuis longtemps. Nous faisions déjà beaucoup d’investissement de nature sociale. La pression vient de partout, mais on se donne nous-mêmes la pression d’être un leader pour accélérer le changement. Nous avons les moyens, les outils et les bonnes équipes pour le faire. Ça nous permet de prendre le temps de nous positionner pour faire le virage en collaboration avec nos partenaires. Il y a aussi les employés qui l’exigent, surtout ceux de la nouvelle génération, qui veulent s’assurer que les bottines suivent !

Qu’est-ce qui est vraiment nouveau pour le Fonds avec cette politique ?

Nous étions déjà actifs en social avec jusqu’à 15 % de nos investissements annuels dans le logement social, abordable et communautaire. Plus de 200 millions de dollars à ce jour ont été investis dans ce type de projets. Nous sommes aussi bons en gouvernance. Notre comité de direction est diversifié quant au genre et notre conseil d’administration est composé majoritairement d’administrateurs indépendants à la fois du Fonds et de la FTQ. Mais lorsqu’on regardait l’environnement, on voyait qu’on faisait beaucoup de choses à la pièce et on souhaitait se doter d’un processus intégré. C’est ce qui a vraiment changé avec notre politique. Ce n’est pas la tâche d’une seule personne, c’est la responsabilité de tous et ça nous permet d’aller dans la même direction, tout le monde ensemble.

Concrètement, cela se reflète comment ?

Nous avons mis sur pied un comité consultatif en ESG, qui est une équipe multidisciplinaire avec un représentant de chaque vice-présidence. Ça nous permet de nous concerter, de nous coordonner pour faire avancer les choses et de faire en sorte que ce soit intégré dans nos processus, nos décisions d’affaires, de vérification diligente et d’état des lieux. On regarde les chiffres, mais on regarde aussi les critères ESG de façon soutenue en s’interrogeant sur la façon dont on veut gérer la transition. Ce ne sera pas parfait, car on a des partenaires avec des réalités différentes, mais nous avons fait le choix conscient de les accompagner dans un esprit d’amélioration continue. Depuis 30 ans, nous offrons une valeur ajoutée, grâce à nos experts en investissement, en gestion d’actifs, et sur le plan juridique. On ajoute maintenant la couche du développement durable. Ça peut prendre la forme de formations ou d’outils, mais parfois, il suffit de soulever la question sur certains enjeux pour faire réaliser l’importance de faire ces choix.

Quel est le risque le plus important qui pèse sur les actifs immobiliers en lien avec les changements climatiques ?

Il y a notamment un risque de pérennité de valeur de l’actif. Il faut protéger la valeur future des actifs dans le temps et aux yeux des occupants. La durée de vie d’un immeuble est généralement très longue, donc on souhaite construire de nouveaux immeubles ou valoriser des immeubles existants pour pouvoir les pérenniser avec des matériaux durables et des systèmes de climatisation et de chauffage efficients. La localisation aussi est importante, près d’un réseau de transport structurant. On pense notamment à des milieux dans la région de Montréal pour favoriser des usages mixtes et réduire la dépendance à la voiture ou à l’auto solo.

Quels sont vos objectifs en matière de réduction des GES de votre portefeuille ?

On mesure d’abord l’intensité carbone de nos opérations et de nos actifs pour établir une base de référence. On est aussi en train de déployer des formations chez nos partenaires pour pouvoir mesurer et vérifier, un peu comme on le ferait à l’instar de données techniques. Lorsqu’on aura terminé cette étape, on pourra établir une cible d’amélioration. À titre d’exemple, l’édifice Louis-Laberge, le siège social du Fonds, atteint le 97e rang percentile Energy Star du Portfolio Manager canadien. Chaque projet, dès sa conception, sera modélisé en ce qui a trait à l’efficacité énergétique et l’intensité carbone et aura son propre plan d’action pour être amélioré. On forme aussi nos employés pour mieux accompagner nos partenaires.

L’édifice Louis-Laberge, siège social du Fonds, est le premier immeuble au Québec à avoir la double certification BOMA BEST platine et LEED platine. Photo : Fonds immobilier de solidarité FTQ

Votre politique met beaucoup de l’avant l’idée de créer de nouveaux modèles d’affaires avec vos partenaires ?

Cela dépend des projets. On essaie de voir comment investir avec eux pour que cela ait du sens. Est-ce que notre apport en capital-actions sera différent ? Est-ce qu’on peut offrir des mesures incitatives ? Ça peut aussi vouloir dire un financement mezzanine pour des systèmes qui sont parfois plus couteux au départ, mais qui auront une valeur ou une pérennité plus grande. On se pose ces questions-là pour voir comment faire bouger l’aiguille. On entend souvent parler du bonus-malus, mais simplement dire non n’aura pas un réel impact dans la société. Parfois, il faut un accompagnement et des mesures incitatives pour valoriser les bonnes actions. On y réfléchit de façon très active et ça fait partie de nos objectifs pour 2023.

Est-ce que la part de vos investissements pourrait augmenter pour la valorisation du patrimoine bâti plutôt que la construction de nouveaux immeubles ?

On le fait déjà de deux façons : quand on développe du neuf, avec nos partenaires, on regarde comment on peut densifier un site de façon intelligente et favoriser des actifs à usage mixte. On peut utiliser aussi des terrains dits libres qui sont décontaminés, donc on vient revaloriser un terrain qui avait un autre usage auparavant. On l’a fait notamment avec notre partenaire Lachance Immobilier pour le projet 16 Place du commerce, à L’Île-des-Sœurs, qui est un immeuble de bureaux converti en logements juste en face de la nouvelle station du REM.

Les bénéfices en développement durable se constatent souvent à plus long terme, vos critères de rendement ont-ils changé ?

On est en train aussi de se demander s’il ne faudrait pas conserver notre actif un peu plus longtemps. Un immeuble qui est dit durable, soit par des certifications externes ou parce qu’il satisfait certains critères peut être plus attractif pour des acheteurs. Je pense notamment à des acheteurs institutionnels. Si on fait un meilleur projet et qu’il a une meilleure valorisation à la fin, ça vaut la peine d’investir davantage en amont. J’ai en tête entre autres un immeuble écoénergétique ou des boucles énergétiques dans des projets comme Solar Uniquartier que l’on réalise avec le Groupe Devimco et Fondaction.

Est-ce qu’il y a des résistances dans le marché ?

Parfois, ça accroche en raison du cout de certains systèmes et la réalité économique fait surface. Mais c’est souvent le manque de données standardisées le problème. Les locataires disent manquer d’informations pour être capables de prendre certaines décisions. Donc si l’utilisateur à la fin n’est pas capable de mesurer son impact, ça devient difficile de vendre l’actif. Si c’était standardisé, on pourrait mieux comparer les immeubles durables avec ceux qui le sont moins. On peut aussi faire de plus petits projets. On est capables d’accompagner nos partenaires pour faire des avancées, qui sont parfois modestes, mais importantes. Il faut commencer quelque part et accepter de ne pas être parfait du premier coup. C’est un processus d’amélioration continue.

Où en êtes-vous à ce stade-ci dans le déploiement de la politique ?

Nous avons fait des avancées notamment dans l’approbation par le conseil d’administration de nos recommandations quant à l’analyse des investissements immobiliers en fonction des facteurs ESG, au même titre que les données financières. On a également presque complété le déploiement d’une formation avec nos partenaires sur Energy Star Portfolio Manager, qui nous permet de mesurer l’intensité énergétique de nos immeubles. On s’attend donc à une reddition de comptes de la part de nos partenaires dans l’utilisation énergétique de nos actifs détenus en commun. On a également choisi un organisme de notation indépendant, qui est le GRESB (Global Real Estate Sustainability Benchmark). Nous préparons la documentation pour commencer une reddition de comptes sous peu.

Exigerez-vous des certifications dans tous vos projets ? Lesquelles ?

Notre siège social est le premier immeuble au Québec à avoir la double certification BOMA BEST platine et LEED platine et on en est très fiers alors, oui, on aime les certifications, mais ce n’est pas une obligation chez nous. Cela dit, plusieurs de nos partenaires s’en inspirent et font réellement l’analyse du cycle de vie de leur projet et ces pratiques sous-jacentes nous permettent d’évaluer la durabilité d’un immeuble. En 2023, on veut aussi mieux définir ce qu’est concrètement pour le Fonds immobilier un immeuble durable en matière d’indicateurs de performance. Pour le moment, le nouveau Code national du bâtiment nous aide. Les immeubles doivent déjà être plus performants et on se rend compte que bon nombre de ceux qu’on est en train de développer surpassent en fait les exigences du Code.

Quel message le Fonds immobilier souhaite envoyer à ses partenaires avec sa politique ?

On veut être une locomotive de changement. On veut assumer notre rôle de leader pour aider le Québec à faire cette transition-là pour que les citoyens aient de meilleurs milieux de vie pour travailler, vivre, se divertir et apprendre. On se donne la responsabilité de contribuer à la transition en ne laissant personne derrière. Je pense aux Habitations Le Domaine, dans l’Est de Montréal, dans lesquelles on a investi du capital patient et qui est géré par l’OBNL Gérer son quartier dans le but de maintenir les loyers abordables pour 2 000 Montréalais et Montréalaises, en plus de leur offrir des services.