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Une oasis de fraîcheur en plein désert

12 janvier 2012

Par Marie Gagnon

Pour réduire la consommation énergétique d’un bâtiment, rien ne vaut l’optimisation de son enveloppe. Comme en fait foi le travail effectué par une firme d’architecture montréalaise au nouveau terminal aéroportuaire de Benghazi, en Libye.

Il est généralement admis que la conception d’un bâtiment performant commence par le contrôle des pertes thermiques et des gains solaires ainsi que par l’utilisation efficace de la lumière naturelle. On sait également qu’un bâtiment mieux adapté à son environnement climatique permet de réduire la part des services mécaniques dans le coût total d’un édifice. Ce type de bâtiment peut parfois être plus cher à construire, mais globalement, il sera plus économique à exploiter et plus sobre sur le plan énergétique.

Le nouveau terminal aéroportuaire de Benghazi en est un bel exemple. Situé aux limites du Sahara libyen, qui couvre les neuf dixièmes du pays, ce bâtiment en forme de T fuselé est un véritable aquarium en plein désert. Il offre en effet plus de 26 000 mètres carrés de vitrage, soit l’équivalent de cinq terrains de football. Sa toiture couvre une superficie d’environ 60 000 mètres carrés, ce qui équivaut grosso modo à 11 terrains de football. Il est en outre soumis à une extrême intensité lumineuse, alors qu’on y enregistre plus de 10 000 candelas au mètre carré.

Les concepteurs de la firme d’architecture montréalaise Jodoin Lamarre Pratte et Associés (JLP), qui devaient rehausser le concept architectural élaboré initialement par une société française, n’ont pas eu la partie facile. Comme l’a souligné l’architecte Jean-Paul Boudreau, qui présentait ce projet à l’occasion du troisième colloque du Conseil de l’enveloppe du bâtiment du Québec (CEBQ), à la fin de la dernière année, la bioclimatique, qui préconise l’utilisation de moyens architecturaux et un recours minimal aux moyens techniques, s’est avérée l’approche appropriée pour réduire les gains de chaleur et les évacuer.

À l’aide du logiciel Radiance, qui offre une simulation en 3D de l’éclairage, et de eQuest, un outil informatisé permettant une modélisation du bâtiment et de son système thermique, les concepteurs de JLP ont mis en œuvre un faisceau de moyens dont l’effet combiné s’est soldé par une réduction de 28,9 % des besoins en climatisation du bâtiment et une économie de 18 millions de dollars, sur 20 ans, sur ses coûts d’exploitation. Ce faisant, ils ont pu conserver les dimensions prévues initialement pour la pièce appelée à loger les équipements mécaniques.

Parmi les solutions mises de l’avant, Jean-Paul Boudreau a souligné l’implantation des lanterneaux de la toiture. Si les professionnels de JLP avaient suivi le concept initial, les gains thermiques amenés par les puits de lumière auraient été encore plus élevés que ceux générés par la façade sud-ouest du bâtiment, entièrement vitrée. En les orientant vers le nord-est, ils ont pu diminuer de 84,7 % les besoins de climatisation du bâtiment et régler complètement les problèmes d’éblouissement entre ses murs.

Le choix d’un vitrage sélectif à haut rendement a pour sa part conduit à une diminution de 27,6 % des besoins de climatisation, alors que l’augmentation de la résistance thermique de l’enveloppe, par l’ajout de matériau isolant dans les murs et la toiture, s’est traduite par une réduction de 45,5 % de ces mêmes besoins. En utilisant des toiles solaires intérieures, les concepteurs ont encore réduit de 28,8 % les besoins de climatisation du bâtiment. Ils ont également eu recours à la ventilation nocturne (night flushing) pour équilibrer la température ambiante du terminal.

Pour Jean-Paul Boudreau, le concept architectural mis de l’avant à l’aéroport international de Benghazi illustre bien la nécessité de reconsidérer l’interface entre intérieur et extérieur et de concevoir l’enveloppe selon le principe des peaux multiples. « Jusqu’ici, l’efficacité énergétique relevait du domaine de l’ingénierie, a-t-il rappelé. Les architectes faisaient la conception du bâtiment et les ingénieurs en mécanique y implantaient des systèmes pour conditionner la température et la qualité de l’air intérieur. »

Il estime toutefois que cette époque est désormais révolue. D’autant plus que, selon David Suzuki, on prévoit que la planète consommera environ 60 % plus d’énergie en 2030 qu’elle n’en consommait en 2005. Pour contrer cette hausse exponentielle, il propose d’inverser la part des coûts de conception de l’enveloppe, qui représente entre 15 et 40 % des coûts globaux, et celle consacrée aux équipements mécaniques, qui varie entre 30 et 40 % des coûts totaux de l’édifice. Car, aujourd’hui plus que jamais, l’optimisation énergétique des bâtiments dépend de la performance de leur enveloppe.