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L’écoquartier La Cité Verte - Le projet

18 janvier 2011
Par Rénald Fortier

Véritable vitrine sur l’innovation, La Cité Verte ouvre la voie aux écoquartiers en sol québécois.

Automne 2008. SSQ Groupe financier donne le coup d’envoi de la réalisation de La Cité Verte dans le quartier Saint-Sacrement, à Québec. Certes, le projet en impose avec ses quelque 800 unités d’habitation à construire sur un horizon de cinq ans, à un coût avoisinant les 350 millions de dollars. Mais surtout, il est en rupture avec la façon traditionnelle de concevoir et de bâtir des quartiers en sol québécois.

Il faut savoir que ce projet est sans nul autre pareil dans l’Est du Canada, tant il est l’aboutissement de l’intégration de stratégies durables novatrices : réseau de chauffage urbain, système centralisé de collecte des matières résiduelles, îlots de rétention des eaux pluviales (bioswales)… Et c’est sans parler de l’attention portée à l’égard de l’efficacité énergétique des bâtiments, de la saine gestion des déchets de construction et d’un chapelet d’autres mesures écologiques.

Alors de là à vouloir poser cet écoquartier en devenir comme un exemple à suivre, il n’y avait qu’un pas que son promoteur n’hésitera pas à franchir d’un trait dès les premiers balbutiements du projet. Même qu’il vise dès lors à faire de La Cité Verte une référence nord-américaine en matière de développement urbain.

« Quand je voyais qu’on alignait depuis longtemps l’aménagement de quartiers sur le développement durable en Europe, je me disais qu’il fallait absolument créer un précédent ici pour ouvrir la voie aux écoquartiers. Et, justement, nous avions un terrain exceptionnel pour le faire », indique Jean Morency, président-directeur général de SSQ Immobilier.

La genèse

Le terrain en question, tout comme les bâtiments qui l’occupent, le bras immobilier de SSQ Groupe financier l’a acquis en 2005 de la Congrégation des sœurs du Bon-Pasteur de Québec. Un lieu chargé d’histoire, faut-il le préciser, car ses bâtiments d’origine auront vu naître pas moins de 36 000 enfants à partir du début des années 1900 : la crèche Saint-Vincent-de-Paul (1908), l’Hôpital de la Miséricorde (1929) et l’École de Puériculture (1952).

Pour Jean Morency, il ne fait alors pas de doute que ce site de 93 000 mètres carrés est tout désigné pour faire place à un nouveau quartier dont le développement s’articulera autour de préceptes durables. Même qu’il y songe depuis un bon moment et que son plan de match est déjà tout tracé, du moins dans ses grandes lignes.

Reste qu’il y a loin de la coupe aux lèvres. La requalification d’un tel emplacement en milieu urbain ne se fait pas en claquant des doigts. D’autant plus si elle doit passer par une nouvelle approche écologique – un qualificatif qui renvoyait encore souvent à la marginalité à l’époque – susceptible de bousculer les façons de faire et les habitudes de tout un chacun. Donc de soulever les appréhensions.

SSQ Immobilier doit donc vendre l’idée aux citoyens et à l’administration municipale, histoire d’obtenir le zonage que requiert le déploiement de La Cité Verte. Les présentations, représentations et consultations, tant publiques que privées, se succèdent au fil des mois qui suivent. La tâche est loin d’être mince, d’autant plus que Jean Morency doit aussi gagner l’entière adhésion au projet de sa propre équipe de professionnels.

Il organise donc une mission exploratoire en Europe en 2008 ; son équipe de professionnels est du départ. « Nous avons notamment été voir des systèmes pneumatiques pour les matières résiduelles en Suède et en Finlande, des réseaux de chauffage urbains en Autriche et des écoquartiers dont l’écoquartier Hammarby, à Stockholm, en Suède, résume Jean Morency. C’est là que le voyage a pris tout son sens, poursuit-il, parce que l’équipe a découvert ce que c’était vraiment qu’un quartier vert. »

L’architecte chargé du projet de La Cité Verte, Pierre Mercier, raconte : « Nous avons vu des choses comme nous n’en avions jamais vu, par exemple sur le plan de la gestion de l’eau ou sur celui de la récupération des déchets. Puis on s’est dit que si les Européens étaient capables de le faire, nous devions bien l’être nous aussi. Ce voyage fut l’occasion de créer une sorte d’émulation et d’enthousiasme autour du projet. »

En 2009, c’est le maire de Québec, Régis Labeaume qui accompagne Jean Morency dans une autre mission en Europe, entre autres en Espagne et de nouveau à Hammarby en Suède. Le maire de Québec reviendra séduit de cette incursion sur le Vieux Continent. « Il a vu ce que l’on voulait faire et, à partir de là, il s’est dit qu’on ne pouvait plus bâtir des quartiers comme on le faisait avant, indique le pdg de SSQ Immobilier. C’est ce qui l’a d’ailleurs amené par la suite à aller de l’avant avec les projets d’écoquartiers D’Estimauville et Pointe-aux-Lièvres. »

Jean Morency convient que la dynamique de collaboration entre les différents acteurs concernés par le projet a complètement changé à partir de ce moment. « Cette mission a vraiment fait faire un pas de géant à La Cité Verte, observe-t-il. Surtout qu’elle nous a aussi permis de valider les idées que l’on avait sur la table depuis 2005. »

Dès lors que le promoteur reçoit le feu vert de la Ville, toujours en 2008, l’équipe de conception intégrée se met à pied d’œuvre pour pousser plus avant l’élaboration du projet. Si l’obtention du zonage lui a enjoint de faire certains compromis, Jean Morency note qu’ils n’ont pas remis en cause la globalité de l’approche visant à faire de La Cité Verte un projet exemplaire en matière de développement durable.

« Lorsque nous sommes arrivés avec l’idée d’implanter un système de gestion des eaux de pluie en surface, donne-t-il en exemple, il n’y avait pas de précédent. Nous avons donc dû aussi prévoir la mise en place d’un système d’égouts conventionnels dans nos rues. On fait donc des doublons et ça coûte plus cher. 

« C’est d’ailleurs pourquoi, ajoute-t-il du même élan, nous avions besoin de l’aide financière de 20 millions de dollars allouée par le gouvernement du Québec pour les infrastructures. Tout comme il fallait obtenir un soutien pour nous engager dans une démarche démonstrative comme celle de l’implantation de notre réseau de chauffage urbain. Le gouvernement fédéral a donc consenti à y contribuer pour 4,7 millions de dollars, par l’entremise du Fonds pour l’énergie propre, somme qui s’est ajoutée aux 5 millions déjà versés par Hydro-Québec. »

La mise en œuvre

Aujourd’hui, la plupart des éléments de conception sont bien campés, bien que certains demeurent à raffiner, et les choses vont rondement sur le terrain. Les travaux de décontamination des sols sont depuis longtemps complétés, tout comme le désamiantage qui était requis dans les trois bâtiments existants qui sont en voie d’être recyclés. L’un d’eux était même en voie de parachèvement au moment d’écrire ces lignes, et celui où logera notamment la chaufferie urbaine est en construction.

Les bâtiments ne pouvant être conservés ont été déconstruits et le taux de récupération des matières résiduelles s’élève à près de 95 %. Une performance qui s’explique notamment par le fait que le béton et la brique aient été réutilisés à titre de remblai.

C’est sans compter le destin particulier qui a été réservé à la grange qui se trouvait sur le site. Jean Morency explique : « La grange n’avait plus sa place dans une trame urbaine comme celle de La Cité Verte. Plutôt que de la démolir, on s’est affairé à lui trouver une deuxième vie. Elle a donc été démontée morceau par morceau avant d’être reconstruite à Cité Joie, un organisme à but non lucratif de Lac-Beauport qui œuvre auprès des enfants handicapés. »

Pour le grand patron de SSQ Immobilier, cette démarche illustre bien à quelle enseigne loge le développement de La Cité Verte. « C’est un exemple qui fait partie d’un ensemble de mesures écologiques. Car le fil conducteur, c’est vraiment la globalité du projet. Nous ne voulons rien échapper et nous voulons que tous les gestes qui sont posés s’inscrivent dans une approche de développement durable. C’est comme ça que nous allons arriver à faire la démonstration du bien-fondé et de la faisabilité de l’aménagement d’un tel écoquartier », indique celui qui n’aura pas porté en vain le bâton de pèlerin depuis les tout débuts.

Soulignons que la conception du plan d’aménagement de La Cité Verte a été alignée sur les exigences du système d’évaluation LEED-ND (Neighborhood Development) du U.S. Green Building Council, mais que le projet n’a toutefois pas été soumis à la version pilote lancée aux États-Unis en 2007. Jean Morency n’écarte toutefois pas la possibilité de l’inscrire en vue de l’obtention de la certification lorsqu’elle sera disponible au Canada. « Je n’ai aucune crainte quant à notre capacité de nous y confirmer », conclut-il.

 

 

 

 

Équipe de projet

Développeur / promoteur SSQ Immobilier

Architecture Bernard Mercier Drouin Architectes (BMD) + BMD et Bélanger Beauchemin Morency, architectes & urbaniste (pour certaines sections de bâtiments)

Architecture du paysage Daniel Arbour & Associés

Génie civil Genio experts-conseils

Génie structural Douglas

Consultants génie électromécanique Génécor experts-conseils

Spécialiste en efficacité énergétique et agent de certification LEED Poly-Énergie

Gérance de projet Verreault

Solutions immotiques Regulvar

 

Quatre cibles
  • Réduction de la consommation énergétique de 30 % par rapport au Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments
  • Réduction de la consommation d’eau potable de 46,5 % par rapport à un ensemble comparable
  • Rejet de 8 l/s ha d’eaux pluviales (critère de 15 l/s ha demandé par la Ville)
  • Récupération de plus de 90 % des débris de construction, de rénovation et de démolition (performance à ce jour de 94,9 %)

 

La Cité déchiffrée
  • 93 000 mètres carrés de superficie au total
  • 14 bâtiments au total, dont trois recyclés, affichant des élévations allant de deux à 12 étages
  • 800 unités d’habitation, dont 620 en copropriété
  • 35 % des logements locatifs affectés aux ménages à faibles revenus
  • 26 maisons de ville servant à faire la transition avec le quartier de la rue Monk
  • 80 000 pieds carrés (approx.) d’espaces commerciaux
  • 1 200 places de stationnement, la plupart en souterrain

 

Mesures durables
  • Densification urbaine
  • Gestion des eaux de pluie
  • Gestion de la consommation de l’eau potable
  • Efficacité énergétique des immeubles
  • Récupération sélective des matières résiduelles
  • Gestion des déplacements
  • Réseau de chauffage urbain alimenté par une chaufferie utilisant la biomasse
  • Préservation d’un maximum d’espaces verts
  • Etc.