Une réalisation briguant la certification LEED-NC, niveau Argent : le Pavillon de recherche en sciences humaines et sociales de l’Université de Sherbrooke.
L’Université de Sherbrooke a relevé les deux défis imposés par le ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (MDEIE) : construire son nouveau Pavillon de recherche en sciences humaines et sociales de façon à obtenir la certification LEED-NC, niveau Argent, et mettre en valeur le bois du Québec.
Une fois de plus, l’Université de Sherbrooke donne corps à sa Politique de développement durable, en vigueur depuis 2005. Afin de combler le manque d’espace de la Faculté des lettres et sciences humaines et de la Faculté d’éducation, la direction s’est dotée d’un tout nouveau pavillon de 3 624 mètres carrés, répartis sur trois étages. En attente de la certification LEED, le nouveau pavillon se distingue tant sur les plans mécanique qu’architectural.
D’entrée de jeu, Angéline Spino, architecte et chargée de projet pour la division Planification et projets externes du Service des immeubles de l’Université, explique les contraintes imposées par le MDEIE, partenaire financier du projet : « Nous devions, dit-elle, construire un bâtiment certifié LEED-NC, niveau Argent, à ossature de bois. » Dans le cadre de l’Entente Canada-Québec sur le Programme d'infrastructure du savoir, le MDEIE a octroyé 8,1 millions de dollars sur une facture totale de 10 millions de dollars. La construction du PRSHS a débuté en août 2010 pour se terminer en juillet 2011.
Situé à l’entrée du campus principal, le PRSHS attire le regard avec ses éléments en bois : ossature partiellement apparente, corniche, déclin horizontal, marquise et brise-soleil s’y trouvent. Une brique ocre complète le parement et donne à cet édifice, principalement composé de bureaux et de salles de conférences, un cachet accueillant.
L’aspect distinctif et épuré du PRSHS se poursuit à l’intérieur du bâtiment. Le revêtement de plancher en linoléum côtoie les poutres et plafonds de bois lamellé-collé. En outre, les éléments mécaniques typiques d’un tel bâtiment sont quasi absents. À l’exception des supports à câbles suspendus dans les corridors, et des grilles aux allèges de fenêtres trahissant la distribution du chauffage et de la ventilation, les espaces sont dépourvus de plénums et de radiateurs.
Denis Simard, concepteur mécanique chez exp, a pensé la mécanique du bâtiment autrement. « Je devais éviter de masquer la structure de bois avec les conduits mécaniques, expose-t-il, sans pour autant avoir recours à des entre-planchers qui auraient nécessité un rehaussement du bâtiment. La solution innovante, signale-t-il, fut de localiser au sous-sol les 138 boîtes de mélange du système de ventilation double gaine, à débit variable. »
« De nos jours, on ne peut concevoir un bâtiment sans penser à son efficacité énergétique, poursuit-il. De plus, le confort des occupants ne peut être négligé, bien au contraire. Ainsi, pour atteindre la cible de 30 % sous le CMNEB, on a d’abord opté pour une isolation supérieure. Ensuite, les réseaux optimisés de vapeur et d’eau refroidie de l’Université ont été mis à profit. Nous avons aussi développé des séquences de contrôle de sorte que les détecteurs de présence de toutes les pièces commandent non seulement l’éclairage, mais aussi la ventilation. » Et pour ajouter au confort des occupants et à l’efficacité énergétique du système, tous les bureaux ont accès à des fenêtres ouvrantes, munies de senseurs qui permettent d’interrompre la ventilation mécanique en cas d’ouverture.
À cheval entre l’électromécanique et l’architecture, une autre mesure durable a été intégrée au projet : sur la façade sud, un mur solaire sert à préchauffer l’air extérieur en saison froide. En saison chaude, la prise d’air est transférée du côté nord. Geneviève Lachance, ingénieure et coordonnatrice LEED chez exp, résume bien l’esprit derrière cette initiative multidisciplinaire, relativement abordable : « Le plus important dans un projet durable, dit-elle, c’est d’avoir une belle planification en amont du projet. Le mur solaire, par exemple, constitue une belle réussite. »
Sur le plan architectural, l’omniprésence du bois a inspiré une conception novatrice. « Le code actuel est davantage adapté aux bâtiments à armature d’acier ou de béton, confirme Raymond Gauthier, architecte concepteur chez Espace vital Architecture. Pour répondre aux exigences d’un bâtiment possédant une résistance au feu de 45 minutes, nous avons notamment spécifié des platelages de 75 mm d’épaisseur. Et bien que nous souhaitions conserver la structure apparente, indique-t-il, il fallait tout de même respecter les exigences acoustiques spécifiées pour ce pavillon. » Pour ce faire, la finition du plancher a été déposée sur une dalle de béton coulée sur un coussin insonorisant, composé de bitume élastomère et de caoutchouc recyclé (16 mm).
En effet, le bois peut provoquer davantage de réverbérations dans le bâtiment. Par contre, François Coutu, architecte chargé des aspects LEED chez Espace vital Architecture relativise : « Je crois en ce matériau pour ses propriétés architecturales, esthétiques et environnementales. Il importe d’ailleurs de développer davantage l’expertise tant au niveau de la fabrication que de la conception pour que le bois demeure concurrentiel. »
Le service des immeubles de l’Université convoite 41 crédits LEED. Confiante d’atteindre le niveau Argent, Angéline Spino insiste sur le fait que l’équipe de projet ne s’est pas contentée des critères imposés : « Plus de 95 % du bois installé est certifié FSC : des patères murales jusqu’à la structure du bâtiment, en passant par les tablettes de fenêtres et les armoires de cuisine », expose-t-elle. Présente de manière quotidienne sur le chantier, Angéline Spino et son équipe vérifiaient assidument les fiches techniques des matériaux et validaient la concordance des produits et matériaux avec le devis de construction.
Réaliste au sujet du processus de certification LEED, elle affirme que « la démarche de certification est laborieuse. Pour y parvenir, tous les intervenants doivent avoir une certaine conscience environnementale, en plus d’être expérimentés dans le domaine de la construction. » À savoir si l’Université continuera de certifier ses nouveaux bâtiments sous la bannière LEED, elle ne se prononce pas. « À l’Université de Sherbrooke, c’est notre Politique de développement durable, et le plan d’action associé qui prime. »
Fait intéressant, grâce au nouveau pavillon, l’Université de Sherbrooke a aussi comblé le besoin de loger sa flotte de six véhicules utilitaires électriques, dans un garage intérieur de 80 mètres carrés, équipé de bornes de rechargement. Les véhicules de fabrication québécoise servent à acheminer les matières résiduelles de tout le Campus principal vers le centre de tri de l’Université.
L’auteure est directrice d'Écobâtiment
- Bâtiment intégré au plan de compostage et de gestion des matières résiduelles de l’Université, dont le taux de mise en valeur de son potentiel valorisable est de 80 % – le niveau Performance du programme ICI on recycle ! de Recyc-Québec
- Accès à un terminus du réseau de transport en commun et interurbain à moins de 800 mètres.
- Programme de transport en commun et système de covoiturage adaptés aux besoins de la communauté universitaire
- Pistes cyclables, vélos libre-service, supports à vélos, vestiaires et douches pour les cyclistes
- Préchauffage de l’air extérieur au moyen d’un mur solaire de 93 mètres carrés
- Raccordement aux réseaux de vapeur et d’eau refroidie du campus principal de l’Université (l’efficacité des deux réseaux a été optimisée au cours des dernières années)
- Isolation supérieure de l’enveloppe : mur, R-28 ; toiture, R-30
- Taux de ventilation supérieur aux critères de la norme ASHRAE 62.1-2010
- Sondes de contrôle de gaz carbonique (CO2)
- Détecteurs de présence reliés aux systèmes d’éclairage et de ventilation
- Optimisation de l’apport de lumière naturelle grâce à la forme en « U » du bâtiment
- Pièges à sédiments, bermes filtrantes et clôtures anti-érosion
- Aménagement paysager rustique sans irrigation
- Bassin de rétention des eaux pluviales
- Appareils de plomberie à faible débit : toilettes, 4,8 l/chasse ; urinoirs, 1,9 l/chasse ; robinetterie électronique de lavabos, 1,9 l/min ; robinetterie d’évier de cuisine, 5,7 l/min ; douches, 5,7 l/min
- Toiture blanche avec peinture acrylique à forts indices de réflectance solaire
- Réduction de la pollution lumineuse par le choix des luminaires et la densité de l’éclairage installé
- 7,5 % des matériaux possèdent un contenu recyclé
- 20 % des matériaux proviennent de procédés d’extraction et de fabrication régionale
- Matériaux à faibles émissions de COV : adhésifs et produits d’étanchéité, peintures, bois composite et adhésifs pour stratifiés
- Triage des déchets de construction in situ ayant permis de détourner 75 % des résidus de construction de l’enfouissement
- Propriétaire : Université de Sherbrooke
- Conception architecturale : Espace vital Architecture
- Coordination LEED : Espace vital Architecture
- Génie électromécanique : exp
- Génie civil et structural : exp
- Mise en service : exp
- Construction : Constructions Guy Sébas
- Architecture du paysage : exp et le service des immeubles de l'Université de Sherbrooke
- 95 % du bois de construction utilisé sur ce chantier est d’origine québécoise et arbore la certification FSC : bois d’œuvre, bois d’ingénierie lamellé-croisé, bois composite pour les panneaux d’armoire et les tablettes de fenêtre
- Nordic Bois d’ingénierie a fourni tout le bois d’ingénierie lamellé-croisé, constitué de têtes d’épinettes noires
- Volumes utilisés pour la construction : poutres, 143 mètres cubes ; colonnes, 55 mètres cubes ; platelage, 360 mètres cubes
- Performance énergétique 30 % supérieure aux exigences du CMNÉB
- Consommation d’eau 40 % inférieure à un bâtiment conventionnel comparable