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L’ensemble résidentiel Station #1

8 septembre 2011
Par Rénald Fortier

La Station #1 : un ancien bâtiment industriel voué à la démolition, recyclé en un ensemble de logements communautaires.

Il aurait été facile de laisser les démolisseurs en finir avec cet édifice industriel datant du début des années 1900. Tellement plus simple que c’était là le sort qui était à toutes fins utiles réservé à cette ancienne station électrique de relais – la première à avoir vu le jour à Montréal – de la Shawinigan Power and Water Corporation. D’autant plus qu’un projet visant à la convertir à la fonction résidentielle avait déjà avorté, l’opération s’annonçant trop onéreuse et l’intégrité de la vieille construction étant même mise en doute.

Il faut dire que l’immeuble de l’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve ne payait vraiment pas de mine. Tombé en désuétude et désaffecté depuis longtemps, seule sa façade demeurait visible, rue d’Orléans, depuis qu’il avait été englobé aux trois quarts à l’intérieur d’un immense entrepôt au milieu des années 50. En même temps qu’il avait été amputé de ses ouvertures…

Malgré tout, le constructeur lavallois Groupe Dargis prendra le pari en 2008 de recycler l’édifice en un ensemble de 74 logements communautaires. Comme si ce n’était pas assez, il décidera aussi, d’un commun accord avec les autres membres de l’équipe réunie autour du projet, d’en faire un bâtiment écologique en bonne et due forme. Avec la certification LEED-NC, niveau Certifié, comme point de mire ; une cible qui sera réalignée sur le niveau Argent en cours de route.

Pierre Rhainds, directeur de projet de Dargis, raconte : « Le groupe de ressources techniques Bâtir son quartier, qui guidait le client, la Coopérative Station #1, nous a approchés pour voir si nous serions intéressés à transformer l’immeuble. Après avoir visité les lieux et discuté avec Guy Favreau, l’architecte qui avait été appelé à travailler sur le concept élaboré auparavant, nous avons décidé d’aller de l’avant avec un projet clés en main.

« Nous sommes cependant repartis de zéro, poursuit-il. Nous avons commencé par faire l’autopsie du bâtiment, puis nous avons façonné un nouveau concept architectural en visant à conserver le maximum d’éléments en place. Pour atteindre des objectifs écologiques et économiques, bien sûr, mais aussi pour conserver le plus possible l’esprit de ce lieu qui a joué un rôle fondamental dans l’électrification de Montréal. »

Le projet consistera grosso modo à évider la nef centrale d’origine pour aménager une cour intérieure là où se trouvait jadis quatre transformateurs White-Westinghouse de 35 tonnes chacun ; à aménager des logements dans les deux ailes situées de part et d’autre de cette aire, côtés nord et sud ; et à construire deux bâtiments dans leur prolongement. Les travaux démarreront en janvier 2009 et seront complétés à peu de choses près deux ans plus tard, au terme d’un investissement de 10,5 millions de dollars.

Au final, une grande partie du bâtiment aura pu être sauvegardée et récupérée. À commencer par la structure et les murs longitudinaux, auxquels auront été ajoutées des coursives en acier pour le prolongement des deux agrandissements. Après avoir renforcé la structure, une nouvelle charpente de bois aura été érigée à l’intérieur de cette dernière, afin de pratiquer des ouvertures qui auront nécessité plus d’un kilomètre de sciage dans des murs comptant quatre épaisseurs de brique.

Pas moins de 96 000 briques auront ainsi pu être récupérées, nettoyées in situ et réutilisées pour composer les façades des agrandissements. « Quand on sciait une ouverture, relate Pierre Rhainds, on se retrouvait avec des demi-briques. Comme elles représentaient tout de même 17 % du volume total, on a décidé de les réintroduire dans les nouveaux murs en les plaçant en sens inverse à toutes les six rangées de brique, ce qui nous a permis de reproduire le schéma qu’arboraient les murs existants. »

Il note qu’il en aura ainsi coûté moins cher que d’acheter de la brique neuve. En tenant compte de toutes les manipulations dont elles ont fait l’objet – récupération, décapage et empilage –, le coût de revient pour chaque vieille brique se sera établi à 43 cents l’unité. À savoir 2,50 dollars le pied carré.

Dans le même registre, on aura également conservé et restauré l’ancien pont roulant qui surmonte la cour intérieure, témoignant du passé industriel de l’âme de l’immeuble de quatre étages offrant désormais 74 800 pieds carrés de superficie habitable. « Même les colonnes qui supportaient autrefois le pont roulant ont été nettoyées, repeintes et laissées en place dans les logements », souligne Guy Favreau, associé de l’agence d’architecture montréalaise AEdifica.

Stratégies écologiques

En plus du réemploi de composantes existantes, certaines des stratégies écologiques préconisées dans le cadre du projet se seront révélées pour le moins particulières. Ce fut le cas sur le plan de l’efficacité énergétique, comme en témoigne la réduction de la consommation anticipée par rapport à la référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments. « Nous n’avons pas une année complète encore, note Guy Favreau, mais à la lumière des dernières simulations, nous avons confiance d’atteindre 32 %, soit 7 % de plus que notre objectif initial. »

Pour en arriver à avoisiner ce niveau de performance, l’équipe de projet aura d’abord mis l’accent sur l’efficacité de l’enveloppe et sur l’élimination des ponts thermiques. C’est ainsi qu’elle a privilégié une fenestration avec vitrage double et affichant une résistance thermique de R-4. Elle n’a pas non plus lésiné sur l’isolation : à l’arrière des murs de quatre pouces d’épaisseur, la charpente de bois a été remplie d’uréthane et recouverte d’un panneau isolant rigide composé de fibres de bois naturelles, par-dessus lequel a été appliquée une fourrure.

Cette optimisation de l’enveloppe, combinée avec l’installation d’un échangeur d’air avec récupérateur de chaleur dans chaque logement, aura permis de réduire la puissance de l’appareillage électrique requis pour le chauffage. « Nous avons aussi bien pris soin de relever la résistance thermique des murs et des fenêtres dans chacune des pièces de tous les logements pour éviter de surdimensionner les calorifères électriques, indique l’ingénieur Jean Desjardins, président de la firme lavalloise Desjardins Expert Conseil. Nos calculs nous ont amenés dans certains cas, par exemple, à installer des appareils de 500 watts seulement plutôt que de 1 000 watts. »

L’installation d’ampoules éconergétiques dans les logements, peints dans des tons pastel pour mieux réfléchir la lumière, aura aussi contribué à réduire la consommation énergétique du bâtiment. Tout comme l’absence de climatisation mécanique, les unités de logement s’ouvrant sur deux façades, et le rôle de pare-soleil joué par les balcons.

La gestion de l’eau potable ne sera pas demeurée en reste. De savoir que la consommation de la Station #1 est de 45,69 % inférieure à celle d’un bâtiment conventionnel, comparable évidemment, coupe court à toute argumentation. Pour arriver à ce résultat, on aura eu recours à des réducteurs de débit sur la robinetterie des éviers et sur les pommes de douche, de même qu’à des toilettes à double chasse.

La gestion du ruissellement des eaux de pluie se sera aussi révélée pour le moins singulière. C’est ainsi qu’un système de rétention d’une capacité 5 500 litres, composé de deux conduits parallèles de 30 pouces de diamètre sur 90 pieds de long et pourvus d’un réducteur de débit (à 5,8 litres/seconde) à la sortie, aura été installé sous la cour intérieure. Comme l’édifice est surmonté de toits en pente, on aura également dû faire fabriquer sur mesure des gouttières de 12 pouces en acier galvanisé pour recueillir l’eau de pluie, puis la diriger vers le système de rétention par des conduits de quatre pouces de diamètre munis d’un câble chauffant.

Avec du recul, Pierre Rhainds n’est pas peu fier de cette réalisation pour laquelle la liste des mesures durables pourrait encore s’allonger. Pour lui, ce fut là une véritable aventure tant le lot de surprises rencontrées en chemin, parfois bonnes, souvent mauvaises, aura gardé l’équipe de projet sur le qui-vive tout au long de l’exécution des travaux.

« Nous avons dû nous retourner sur un 10 cents tous les jours, ou presque. Chaque fois que se présentait un imprévu, il fallait réagir sur-le-champ parce que nous ne pouvions pas nous permettre d’arrêter le chantier. C’est un projet qui nous a amplement donné l’occasion d’aiguiser notre sens de l’improvisation, mais qui fut en même temps des plus enrichissants », conclut-il, avec un large sourire.

Équipe de projet

Propriétaire : Coopérative Station #1
Ressources techniques et coordination : Bâtir son quartier
Constructeur : Groupe Dargis
Architecture et expertise LEED : AEdifica
Génie électromécanique et civil : Desjardins Expert Conseil
Génie structural : Génius Conseil

 

Quatre faits saillants
  • Optimisation de la performance énergétique (42 % supérieure à la moyenne des appartements au Québec)
  • Réduction de 45 % de la consommation d’eau potable par rapport à un édifice comparable
  • Détournement de 95 % des déchets de démolition et de construction des sites d’enfouissement (105 conteneurs sur 108)
  • Conservation de 54 % des éléments structuraux (fondations, colonnes, murs…)

 

Mesures durables
  • Réduction des îlots de chaleur par l’utilisation d’une membrane de toiture réfléchissante, ainsi que l’ajout d’arbres et de végétation dans les aires de stationnement extérieures
  • Plantations indigènes n’exigeant aucune irrigation
  • Appareils de plomberie à faible consommation d’eau (robinet : 1,9 l/min ; douches : 9,5 l/min ; toilettes : 4 l/chasse).
  • Réutilisation de la structure et des matériaux présents sur le site, notamment les briques de déconstruction utilisées pour la construction des nouvelles ailes
  • Aménagement de 12 places de stationnement pour vélos et stationnements additionnels prévus dans les logements
  • Réduction du nombre de stationnements extérieurs pour les véhicules (ratio de un pour huit logements)
  • Matériaux de construction et de finition avec contenu de matières recyclées (peintures, gypse, carreaux de vinyle…)
  • Matériaux de provenance régionale (près de 10 %)
  • Matériaux (peintures, adhésifs, scellants, tapis, stratifiés…) à faible contenu en COV
  • Ventilateur récupérateur de chaleur dans tous les logements
  • Isolation accrue, fenêtres performantes et élimination des ponts thermiques
  • Fenestration avec vitrage double Low-e et avec argon
  • Etc.