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L’Édifice Wilder Espace Danse

6 mars 2018
Par Rénald Fortier

Une réalisation durable issue de la transformation extrême d’un bâtiment industriel d’une autre époque au centre-ville de Montréal.

Revitalisation d’un ancien bâtiment industriel délabré, requalification d’un site urbain démembré, création d’un ensemble immobilier distinctif, lumineux et performant… Ce sont là autant d’objectifs qui se profilaient en toile de fond au moment où les concepteurs de l’Édifice Wilder Espace Danse ont entrepris de donner vie à ce projet hors du commun, dans le Quartier des spectacles de Montréal, à compter du printemps 2011.

Piloté par la Société québécoise des infrastructures, ce projet se traduira par la construction d’un bâtiment de 22 300 mètres carrés qui, sur neuf étages, loge aujourd’hui sous un même toit Les Grands Ballets canadiens de Montréal, l’École de danse contemporaine de Montréal, Tangente et l’Agora de la danse. En plus d’abriter des bureaux du ministère de la Culture et des Communications ainsi que du Conseil des arts et des lettres du Québec.

Le point d’ancrage de cette réalisation, dont le coût final avoisine les 100 millions de dollars : l’édifice Wilder s’élevant rue De Bleury depuis la fin des années 1910. La démarche visant à transformer ce bâtiment industriel en un haut lieu de la danse s’avérait loin d’être simple. D’autant plus qu’elle devait s’inscrire à l’intérieur d’un quadrilatère ayant notamment été déstructuré, sur son flanc est, par la redéfinition de la rue Balmoral lors de la création de la Place des Festivals.

Pour ajouter à la complexité teintant la conception du projet, chacun des occupants de l’ensemble issu de la renaissance du Wilder devait y trouver un lieu exprimant son identité propre. C’est sans compter que les espaces destinés aux studios de danse devaient offrir un environnement contrôlé au quart de tour pour répondre à des exigences très strictes sur les plans de la luminosité, de la ventilation et de l’insonorisation.

Et comme si ne n’était pas déjà assez, le projet devait nécessairement voir le jour dans une perspective durable, avec l’obtention d’une certification LEED Argent pour point de mire. Une orientation qui se reflétera dans l’équilibre établi entre les stratégies écologiques et éconergétiques dont le nouvel immeuble sera la somme, car chacune sera pensée et appliquée pour concourir, invariablement en complémentarité avec les autres, à l’atteinte d’une haute efficacité environnementale.

Réutilisation du bâtiment

Une orientation durable, donc, qui se trouvera écho au premier chef dans la volonté de réutiliser un vieil immeuble désaffecté depuis une dizaine d’années. « Bien que le Wilder n’était pas classé patrimonial comme tel, il portait tout de même un héritage symbolique des bâtiments industriels que l’on retrouvait au centre-ville de Montréal autrefois. Pour nous, il était important de l’intégrer au cœur du projet », fait valoir l’architecte concepteur Michel Lapointe, de Lapointe Magne & Associés, firme qui a laissé son empreinte sur cette réalisation en consortium avec Ædifica.

C’est ainsi que plus de 80 % des murs et de la structure en L  du bâtiment sont conservés au final, après que trois petits bâtiments annexes – depuis longtemps abandonnés et dans un état de décrépitude avancée – eurent été démolis à partir de l’hiver 2012. Une seconde phase de travaux de démolition touchera principalement l’intérieur de l’immeuble.

« L’état des matériaux exigeait que l’on procède à un dégarnissage complet puisque l’on était notamment en présence d’amiante, de moisissure et de peinture au plomb. Nous sommes donc revenus à une structure béton exposée avec un remplissage de briques », note l’architecte Patrick Bernier, chargé du projet chez Ædifica.

Offrant une hauteur d’à peine trois mètres entre chaque dalle, en raison de sa trame structurale, le Wilder d’origine accueillera les circulations verticales, loges, vestiaires, locaux administratifs et autres éléments génériques du programme. Exigeant de grands espaces tant à l’horizontale qu’à la verticale – entre quatre et six mètres, les studios de production et de diffusion seront pour leur part distribués dans des agrandissements habillés de verre s’élevant de part et d’autre, au sud et nord, du volume central.

Combinée à l’intégration de deux grands puits de lumière surplombant des cours intérieures, l’utilisation abondante de vitrage au périmètre extérieur du nouvel ensemble permettra d’optimiser l’apport de luminosité naturelle dans les espaces malgré la grande profondeur du noyau. L’application d’une telle stratégie en appellera évidemment d’autres pour favoriser la résistance thermique de l’enveloppe du bâtiment ainsi que pour contrôler les gains solaires et l’éblouissement.

C’est ainsi que les parois des annexes sud et nord seront constituées de verre isolant translucide. « L’unité est formée de deux plaques de verre dont l’espace intercalaire est rempli d’une fibre qui, étant pourvue de propriétés isolantes, permet de projeter la lumière loin à l’intérieur des espaces tout en contrôlant l’éblouissement, précise Michel Lapointe. En plus, l’utilisation de ce verre laisse pénétrer une lumière diffuse qui atténue les contrastes entre les zones ensoleillées et ombragées. »

Un mur-rideau de verre sera aussi mis à contribution à titre de barrière thermique et acoustique du côté de la façade de l’édifice d’origine surplombant la Place des Festivals. Installé comme une seconde peau devant ce mur de béton et de briques, dont les fenêtres seront dépouillées de leur vitrage, il servira  également d’écran de projection pour le Quartier des spectacles.

« Une sérigraphie a été apposée sur le verre, de façon à créer des pixels permettant de transformer cette façade en un immense écran de projection, explique Patrick Bernier. Des stores motorisés permettent alors de contrôler la lumière derrière les fenêtres. »

Performance optimisée

Le choix d’envelopper de verre la presque totalité de l’Édifice Wilder Espace Danse – la façade principale sur la rue De Bleury conservera sa facture Beaux-arts originale – s’accompagnera évidemment de son lot de défis sur le plan éconergétique. D’autant plus que le recours à la géothermie devra être écarté dès le départ puisqu’il aurait fallu installer les puits sous le bâtiment, ce qui impliquait de retarder l’échéancier et des coûts additionnels.

« Nous avons dû procéder par addition pour optimiser la performance énergétique du bâtiment, indique Dominic Latour, ingénieur chez Bouthillette Parizeau. Nous avons donc déterminé une série de mesures d’économie d’énergie qui ont été appliquées pour interagir de façon cohérente. »

Parmi les mesures retenues figuraient notamment la récupération de chaleur sur l’air neuf à l’aide de roues thermiques, la production de l’eau chaude de chauffage au moyen de chaudières à condensation et le recours à des systèmes de ventilation permettant de véhiculer le minimum du débit d’air de refroidissement, pour couper court à l’énumération.

Si plusieurs stratégies contribuent aujourd’hui à l’efficacité énergétique du bâtiment, certaines se révèlent plus particulières, comme la mise en place d’un réseau d’eau de chauffage à débit variable avec un grand delta T (55). « Il y a beaucoup de tuyauterie qui circule dans le bâtiment pour pourvoir aux besoins en chauffage, précise Dominic Latour. Nous avons donc vu à tout mettre en série pour abaisser le delta T afin d’obtenir le plus grand différentiel de température, de façon à pouvoir utiliser le plus d’énergie possible qui était générée par les appareils de chauffage. »

La trame structurale du bâtiment existant aura également requis l’application de stratégies qui ne sont pas monnaie courante. Comme l’utilisation d’un plancher surélevé permettant d’y optimiser la ventilation et la climatisation, en plus de faciliter l’intégration des systèmes de distribution électrique d’éclairage et de protection incendie, pour ne citer que cet exemple.

C’est sans oublier que l’acoustique se posait comme un enjeu majeur sur le plan de la conception mécanique dans les espaces occupés par les studios de danse. Dominic Latour explique : « Pour réduire la vitesse de l’air et ainsi atténuer le bruit, nous avons dû surdimensionner les gaines de ventilation, jusqu’à 400 % en certains endroits où il y avait d’importants dégagements de chaleur.  Et ce surdimensionnement des conduits a fait en sorte que nous ne pouvions plus lancer l’air, mais seulement le laisser tomber à partir du haut.

Pour lui, c’est là un exemple parmi tant d’autres qui illustre l’ingéniosité dont aura dû faire montre l’équipe de conception tout au long du projet. Et qui fait que l’Édifice Wilder Espace Danse se pose comme l’aboutissement hors de l’ordinaire de la transformation d’un vieil immeuble se lovant aujourd’hui au cœur d’un nouvel ensemble résolument durable.

Équipe du projet

Promoteur et maître d’œuvre : Société québécoise des infrastructures

Architecture : Lapointe Magne + Ædifica

Encadrement écologique : Ædifica

Génie électromécanique : SNC-Lavalin/Bouthillette Parizeau

Génie structural et civil : SDK/NCK

Gérance de construction : Pomerleau

Démolition – phase 1 : Delsan-AIM

Démolition – phase 2 : CFG Construction 

Protection incendie : Gesco
Scénographie : Trizart Alliance

 

En chiffres

95 %  Détournement des déchets de construction de l’enfouissement

82 %  Réutilisation des éléments structuraux de l’édifice Wilder datant de 1918

35 %  Réduction de la consommation d’eau potable par rapport à celle d’un bâtiment standard comparable

30 %  Réutilisation des éléments structuraux de l’édifice Wilder datant de 1918

Mesures durables
  • Décontamination du site
  • Espaces de stationnement sécuritaires pour vélos intérieurs (20) et extérieurs (5)
  • Douches et vestiaires pour les usagers du transport actif
  • Emplacement du projet pour un accès diversifié aux transports en commun
  • Aucun espace de stationnement
  • Utilisation d’appareils sanitaires à faible consommation
  • Toiture blanche et toiture verte (90% de la surface)
  • Conservation de la majeure partie de l’édifice Wilder d’origine
  • Matériaux à contenu recyclé (15%)
  • Matériaux régionaux (22%)
  • Matériaux à faible émissivité de COV
  • Mise en application d’un plan de gestion de la qualité de l’air intérieur (QAI)pendant la construction pour des espaces sains pour les travailleurs et les occupants
  • Système de contrôle de l’éclairage et thermique par les occupants
  • Luminosité naturelle optimale dans les espaces de travail et des studios de danse
  • Contrôle de l’éblouissement par les différentes sérigraphies sur le verre
  • Vues sur l’extérieur
  • Etc.
Mesures éconergétiques
  • Éclairage efficace
  • Ventilation à débit variable
  • Ventilation par déplacement dans les espaces de bureaux
  • Préchauffage et prérefroidissement sur l’air extérieur à l’aide de roues thermiques
  • Pompes de circulation à vitesse variable
  • Moteur des pompes à haut rendement énergétique
  • Refroidissement gratuit de la boucle d’eau glacée en hiver à l’aide des tours d’eau
  • Ventilateur des tours d’eau à vitesse variable
  • Réduction de la consommation d’eau chaude par le biais d’appareils à faible débit
  • Enveloppe thermique efficace, particulièrement au niveau des vitrages
  • Mise en service de base et améliorée des systèmes
  • Etc.
Luminosité contrôlée

Le système de stores automatisé permettant de bloquer la lumière artificielle provenant des fenêtres de la façade du Wilder, lorsque celle-ci est utilisée comme écran de projection, a ceci de particulier qu’il peut être contrôlé au besoin par le Quartier des spectacles.

« Une programmation spéciale a été appliquée au système de contrôle de manière à ce que dès que le projecteur se met en marche, les stores sont automatiquement abaissés. Dès que le projecteur s’éteint, il y a un délai de 15 secondes avant que tous les stores remontent », indique Laurent Alepins, consultant en ventes architecturales chez Altex.

Lorsqu’il n’y a pas de projection, les stores peuvent en tout temps être contrôlés par les usagers du bâtiment.