L’édifice de bureaux Delta 3

Depuis quelques années, à la tête nord des ponts Pierre-Laporte et de Québec, les grues s’activent le long du boulevard Laurier et le secteur se transforme peu à peu. En janvier dernier, la Ville adoptait son programme particulier d’urbanisme (PPU) du plateau centre de Sainte-Foy. Dans les grandes orientations de ce PPU, on peut lire que les interventions dans le secteur « se distingueront la plupart du temps par leur caractère durable et leur faible impact sur l’environnement ». 

Ces principes, La Capitale groupe financier les a mis en pratique dès la conception du troisième édifice du complexe Le Delta, en 2007. Alors que l’axe Laurier fait encore triste figure en matière de développement durable, l’heure est déjà au bilan pour ce premier édifice de bureaux, certifié LEED-CS Canada, niveau Or, fruit d’un investissement de 42 millions de dollars. 

Ce troisième maillon du complexe Le Delta, dont l’ossature de béton est enveloppée par des murs-rideaux, offre 155 000 pieds carrés d’aires aménageables, incluant les bureaux et les commerces. L’immeuble s’élève sur 10 étages en bordure du boulevard Laurier et il en compte un de plus sur la rue Sasseville, côté sud, où se trouve l’entrée du rez-de-chaussée. 

Formation et communication

La construction du Delta 3 s’est achevée à la fin de 2009. Brigitte Lapointe, architecte de formation et directrice construction, aménagements et développement durable à La Capitale, connaît bien les rouages du projet qu’elle a vu germer et évoluer. « Le plus grand défi à relever, dit-elle, c’est l’éducation et la formation des usagers et locataires. Cela requiert un investissement soutenu et des acteurs clés, qui se feront les messagers des concepteurs du bâtiment. Il faut vendre de nouvelles habitudes et expliquer le pourquoi des choses. » 

Accompagnée de la chef d’équipe de l’entretien ménager, Lucie Carbonneau, Brigitte Lapointe a conçu les formations et s’est assurée que les infrastructures étaient utilisées à bon escient, selon les modalités prévues. Des formations qui sont offertes régulièrement, il faut le souligner, pour pallier le renouvellement du personnel. 

Parmi les sujets abordés lors de la formation des usagers du Delta 3 figure notamment le compostage. « Chaque semaine, 10 bacs de 240 litres sont collectés par la Ville pour être compostés à chaud, souligne Brigitte Lapointe. Ce type de compostage offre toute la flexibilité nécessaire à l’étape du triage. Les restaurateurs n’ont qu’à séparer les liquides des solides ; le reste est composté, sans égard à la présence de viande ou non. » Le personnel entrepose le compost dans une chambre froide de quelque 20 mètres carrés équipée d’un système de rinçage pour maintenir la propreté des bacs de collectes. 

Le dialogue entre les gestionnaires du Delta 3 et les membres de l’entretien ménager est bien établi. Les fins détails d’exploitation du bâtiment sont peaufinés. « Bien que des séchoirs à main ultra efficaces soient installés dans les salles de bain, c’est le papier à main que nos usagers préfèrent, expose Brigitte Lapointe. Le personnel de bureau est pressé ; le papier, c’est plus rapide et d’autres n’aiment pas le bruit des séchoirs à main. Nous avons donc fait installer de nouveaux supports à papier dans l’optique que le papier soit recyclé et non envoyé à l’incinérateur de Québec. » 

De plus, un compacteur sur place permet de réduire le volume des matières résiduelles à transporter hors du site. Et nul doute que les matières sont bel et bien recyclées au Delta 3 : « Notre personnel d’entretien ménager connait l’importance de la collecte sélective, indique Brigitte Lapointe. Ils m’ont même demandé des affiches pour aider les usagers et les informer des bonnes pratiques. » 

Rôle des locataires

La Capitale a soutenu les locataires qui souhaitaient entreprendre les démarches de certification LEED-CI (Commercial Interiors) en fournissant un accompagnement professionnel et en assumant les frais auprès du Conseil du bâtiment durable du Canada (CBDCa). « Nous sommes extrêmement fiers de compter six locataires qui attendent la dernière étape de certification. La démarche est laborieuse, mais elle est aussi en accord avec les valeurs de notre entreprise », affirme Brigitte Lapointe.  

Et que se passera-t-il avec les futurs locataires ? Selon Pierre-Luc Landry, conseiller au service de Location et gestion immobilière de La Capitale, l’approche contractuelle est primordiale. Les baux stipulent les spécifications nécessaires à la participation aux initiatives durables. « Ça ne leur coûte pas plus cher, signale-t-il, et l’impact environnemental de leurs activités est grandement réduit. » 

Retour vers le futur

Ce premier projet vert a forgé l’expérience de l’équipe de La Capitale. Expérience qui a été mise à profit pour l’agrandissement du siège social de la rue Saint-Amable. « Au Delta 3, explique Pierre-Luc Landry, nous avons un édifice de Classe A dont la qualité de l’air est exceptionnelle. Il était important pour nous de maintenir ce standard pour le système de ventilation de la rue Saint-Amable. » 

Après quelques années d’exploitation, la perspective sur le concept d’origine est différente. « Certaines technologies ne sont pas à point, observe Brigitte Lapointe. Les urinoirs sans eau, c’est plus dur sur la tuyauterie. Et ça requiert un entretien ménager plus fréquent. Dans certaines circonstances, un urinoir à très faible débit (0,5 L) est simplement mieux adapté. » 

Dans la même veine, le sujet de la toiture à faible albédo surgit. Il y a quelques années, le choix des types de toiture blanche était restreint. « On nous a proposé une toiture grise avec une peinture blanche, précise l’architecte. Cette option causait des soucis à l’équipe d’entretien, nous avons donc choisi une toiture inversée avec agrégats de quartz, une solution coûteuse jugée plus durable par l’équipe de conception. » 

Brigitte Lapointe mentionne aussi au passage que les robinets sans contact d’eau mitigée, c’est bien, mais que les usagers qui se brossent les dents préfèrent avoir la possibilité de contrôler la température. 

Au Delta 3, l’eau de pluie est collectée, traitée et réutilisée dans toutes les toilettes. Brigitte Lapointe reconnaît qu’en l’absence d’incitatifs financiers, ce type de mesure coûte cher. « On a travaillé fort sur le système de récupération des eaux de pluie, indique-t-elle. Les frais d’une double tuyauterie pour le réseau d’eau potable et celui des eaux de pluie sont considérables. De plus, avec un grand bassin de rétention, on doit composer avec la sédimentation des particules fines et assurer l’aération du bassin. » 

Apposer le sceau LEED

Brigitte Lapointe se dit surprise de ne pas voir plus d’édifices de bureaux certifiés LEED dans le secteur des ponts. « On aurait tendance à penser que toutes les nouvelles tours de bureaux du secteur sont certifiées LEED. Pourtant, il n’en est rien. En ce qui nous concerne, l’objectif a été atteint : des 37 crédits soumis, dont 6 furent audités par le CBDCa, pas un seul point n’a été retranché. Le souci du détail et la minutie de Martin Lavergne, architecte et professionnel accrédité LEED chez Coarchitecture, nous ont permis d’obtenir ce résultat exceptionnel. J’en suis très fière. » La certification LEED-CS, niveau Or, a été obtenue le 22 décembre 2010. 

Que réserve La Capitale pour le futur du complexe Delta ? « Une certification BOMA BESt pour les autres édifices du complexe, répond Brigitte Lapointe sans hésitation. La certification LEED EBOM a aussi été considérée, mais rejetée, notamment parce qu’elle semble moins bien adaptée à la réalité québécoise. »