Le premier édifice de copropriété à consommation énergétique nette zéro au Québec : le triplex Le Soleil, situé dans l’arrondissement Verdun à Montréal.
Vu de la rue, rien ne laisse deviner que le triplex Le Soleil est un bâtiment résidentiel hors du commun, si ce n’est peut-être la structure de capteurs solaires installée sur son toit-terrasse. Pourtant, cet édifice situé à proximité du boulevard LaSalle, qui abrite trois copropriétés de style loft de 1 040 pieds carrés chacun, est le premier au Québec à produire autant d’énergie qu’il en consomme. Sinon plus.
Première phase du collectif d’habitation Abondance Montréal, mis de l’avant par Les Développements EcoCité, le triplex Le Soleil porte bien son nom. Entièrement alimenté à l’énergie solaire, il est la somme de nombreuses stratégies éconergétiques : capteurs thermiques solaires pour le préchauffage de l’eau ; panneaux solaires photovoltaïques pour la production d’électricité ; thermopompes géothermiques pour le chauffage et la climatisation ; systèmes de récupération de chaleur de l’air et des eaux de drainage, etc.
En fait, les mesures durables et les technologies éconergétiques appliquées par ses concepteurs rendent ce triplex autosuffisant sur le plan énergétique. Il est tout de même branché au réseau électrique d’Hydro-Québec pour combler les besoins d’énergie lorsque la production d’énergie du triplex ne suffit pas, comme lors des périodes de non-ensoleillement et la nuit. Un compteur de mesurage net permet de calculer la consommation d’électricité provenant du réseau d’Hydro-Québec, d’une part, et de mesurer les surplus d’électricité produits par le triplex qui sont réacheminés dans le réseau, d’autre part. Le mesurage se fait jusqu’à concurrence d’une consommation totale nette zéro sur une base annuelle.
Les performances de ce triplex sont étonnantes. Issu de l’initiative EQuilibrium de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, cet immeuble ne requiert en effet que le quart de l’énergie normalement consommée par un triplex montréalais standard.
L’énergie solaire comble de 35 à 40 % des besoins de chauffage en hiver, grâce, entre autres, au stockage de la chaleur dans la masse des murs de brique. À eux seuls, les capteurs thermiques solaires assurent la production jusqu’à 80 % de l’eau chaude utilisée en hiver.
Sur le plan environnemental, le triplex Le Soleil diminue de 50 à 70 % son empreinte par l’application de diverses mesures allant de l’utilisation de matériaux sains sans COV à la réduction de la consommation d’énergie et la réutilisation des eaux de pluie filtrées dans les toilettes. Cette dernière mesure contribuera à elle seule à économiser l’eau et à réduire de 75 % l’utilisation des égouts de la ville.
Approche de conception
La conception du triplex Le Soleil est le fruit d’un travail d’équipe impliquant divers partenaires professionnels dans un mode de design intégré qui a permis d’élaborer un ensemble de solutions efficaces et pas trop onéreuses à appliquer. Le président d’EcoCité, Christopher Sweetnam-Holmes, note que cette façon de faire a nécessité d’investir plus de temps au début du projet, mais qu’elle a permis d’éviter bien des problèmes pendant et après la construction.
Dès le départ, l’équipe de projet a dû composer avec des contraintes urbanistiques et architecturales. Par exemple, il a fallu effectuer des simulations et modélisations pour déterminer le gabarit d’immeuble le plus susceptible d’atteindre la cible de consommation énergétique nette zéro. Il va sans dire que le bâtiment à construire devait aussi s’intégrer au patrimoine bâti de l’arrondissement et respecter les règles d’urbanisme du secteur, notamment en ce qui concerne le type de revêtement et l’aménagement d’une installation solaire sur le toit.
L’architecte Vouli Mamfredis, associée du Studio MMA, souligne qu’il a fallu également composer avec un site n’offrant pas l’orientation idéale par rapport à l’ensoleillement, c’est-à-dire sans possibilité d’installer des fenêtres au mur sud de l’immeuble pour profiter au maximum du solaire passif. La conception de l’immeuble permet néanmoins d’exploiter cette filière en permettant au bâtiment de travailler de concert avec le soleil plutôt que contre ses effets. En hiver, la fenestration étanche et le triple vitrage laissent pénétrer la chaleur solaire à l’intérieur sans qu’elle ne s’échappe à l’extérieur. En été, les angles de fenêtres et l’ombrage réduisent les effets du soleil afin de maintenir un intérieur frais et confortable.
Approche de réalisation
Mener à bien une construction de cette nature au-delà des codes et des normes en vigueur suppose d’apporter une attention particulière à tous les détails, sans compromis sur la qualité des travaux et des matériaux. L’entrepreneur Robert Deschamps, président des Constructions Sodero, qui a assuré la gérance de la construction, mentionne qu’il a dû assurer une coordination très serrée des travaux avec les sous-traitants. La complexité de la distribution de la plomberie et de l’installation géothermique et la confection de l’enveloppe, par exemple, exigeaient une bonne planification des interventions pour éviter les empiètements et s’assurer que tout soit fait correctement.
Pour lui, le secret d’une bonne construction tient à des fondations faites avec du béton de qualité non dilué, une enveloppe pare-air et pare-vapeur super étanche, une isolation supérieure exempte de ponts thermiques, des fenêtres de bonne qualité, de bonne grandeur et bien placées, ainsi qu’à un bon contrôle de l’humidité pour éviter les moisissures. Il ne fait aucun doute dans son esprit que ça vaut la peine d’investir un peu plus pour avoir un bâtiment de bonne qualité, performant sur le plan énergétique et qui soit durable.
Si les EcoCondos du triplex Le Soleil sont les premières habitations du genre au Québec, ce ne seront sans doute pas les dernières. La confirmation de leurs performances pourrait éventuellement convaincre d’autres promoteurs et constructeurs qu’il est possible de construire des copropriétés éconergétiques autosuffisantes sur le plan énergétique, et ce, avec des technologies éprouvées disponibles au pays. À toutes fins utiles, la réalisation de ce projet se sera avérée pour le promoteur et son équipe une expérience transposable à d’autres projets éventuels de cette nature.
Promoteurs Les Développements EcoCité (Christopher Sweetnam-Holmes et Cheryl Gladu)
Gérance de construction Constructions Sodero (Robert Deschamps)
Architecture Studio MMA Atelier d’architecture (Vouli Mamfredis et Rob Miners)
Ingénierie (mécanique et électricité) Pageau Morel (Roland Charneux)
Simulation et modélisation énergétique Michel Bernier, professeur et chercheur de l’École Polytechnique de Montréal
Les promoteurs du triplex Le Soleil visent à apposer sur l’édifice la certification LEED Canada pour les habitations, niveau Platine. Selon Emmanuel Cosgrove, d’Écohabitation, référant pour ce système d’évaluation au Québec, il suffira au triplex de cumuler 85,5 points (et non les 90 habituellement requis) sur les 136 possibles pour atteindre ce niveau de certification en raison de la dimension plus petite de l’immeuble.
- Fondations de béton contenant des cendres volantes recyclées
- Charpente en bois certifié FSC
- Isolation thermique supérieure
- Isolation acoustique supérieure (FIIC de 59)
- Panneaux de placoplâtre à base de gypse 100 % recyclé
- Matériaux de finition sans ou à faible émission de COV
- Fenêtres à haut rendement énergétique optimisant l’éclairage naturel
- Système de contrôle de l’humidité et de la qualité de l’air intérieur
- Robinetterie et chasses d’eau à faible débit
- Électroménagers et systèmes d’éclairage à haute efficacité énergétique
- Placard sèche-linge déshumidifié par le ventilateur récupérateur de chaleur
- Systèmes de récupération de chaleur de l’air et des eaux de drainage
- Revêtement extérieur en brique stockant la chaleur (solaire passif)
- Mur sud ombragé et végétalisé pour rafraîchir l’amenée d’air en été
- Toit-terrasse adapté pour le jardinage
- Production et utilisation d’énergies propres et renouvelables (solaire et géothermie)
- Réservoir pour la collecte et la réutilisation des eaux de pluie (toilettes et jardins)
Système d’enveloppe étanche à haute résistance thermique
Deux pouces de polystyrène sous la dalle de béton du sous-sol et 4,5 pouces de mousse polyuréthane giclée sur les murs intérieurs des fondations (R-30) • Sept pouces de mousse de polyuréthane giclée sur les murs, soit 2,5 pouces à l’extérieur et 4,5 pouces à l’intérieur (R-45) • Douze pouces de mousse de polyuréthane giclée sous la toiture (R-70) • Fenêtres à triple vitrages à faible émissivité qui évitent la surchauffe en été et réduisent les besoins de climatisation • Étanchéité à l’air de l’enveloppe de 0,4 changement d’air à l’heure (CAH) à une pression de 50 pascals (Pa)
Système géothermique à boucles fermées
Deux puits de 250 pieds de profondeur • Trois thermopompes à deux vitesses d’une capacité de 1,6 tonne chacune pour le chauffage, la climatisation et le préchauffage d’une partie de l’eau chaude • Un climatiseur free cooling couplé à chaque thermopompe fonctionnant sans compresseur la moitié de l’année (sauf en été et en hiver)
Systèmes à énergie solaire
Six capteurs solaires thermiques fournissant plus de 80 % de l’eau chaude en hiver et plus de 100 % en été • Soixante capteurs solaires photovoltaïques d’une capacité de 14 000 kilowatts d’électricité annuellement répondant aux besoins en électricité du triplex, les surplus étant redirigés dans le réseau d’Hydro-Québec
Systèmes de récupération de chaleur
Un ventilateur récupérateur de chaleur couplé à chaque thermopompe pour fournir tout l’air frais nécessaire et évacuer l’air vicié de chaque unité • Deux systèmes de récupération de chaleur des eaux de drainage de 48 pouces pour le préchauffage de l’eau
Systèmes de monitorage
Un système informatisé permettant de suivre les performances énergétiques de chaque unité • Un système de compteur électrique bidirectionnel permettant le mesurage net de la consommation d’électricité du triplex