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Transition énergétique et exemplarité vont de pair

16 octobre 2019
Par Jean Garon

L’État québécois entend tracer la voie à sa démarche de transition, d’innovation et d’efficacité énergétiques en prêchant d’exemple.

Par ses politiques, ses programmes et ses plans d’action, le gouvernement du Québec veut motiver les institutions, les entreprises et les consommateurs à prendre les moyens pour améliorer le bilan énergétique de l’ensemble du parc immobilier. Il tend aussi à démontrer que les efforts déployés en ce sens valent la peine pour le portefeuille et pour l’environnement. À la clé : des incitatifs pour économiser l’énergie et encourager la conversion à une source d’énergie renouvelable qui, en prime, contribuent à la lutte contre les changements climatiques en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES).

L’État québécois s’est aussi placé au cœur de l’action en commençant à faire le ménage dans sa propre cour. Et ce n’est pas rien, compte tenu de son imposant parc immobilier qui représente près de 90 % de sa consommation énergétique totale (bâtiments et véhicules) et 80 % de ses émissions de GES!

Pour s’en faire une idée, rappelons que ce parc comprend tous les bâtiments des ministères et organismes publics, des entreprises de l’État ainsi que des réseaux de l’éducation, de la santé et des services sociaux. Ça représente des millions de mètres carrés de bâtiments à éclairer, chauffer, ventiler, climatiser et alimenter en électricité pour fournir les services attendus. Pour la seule année 2014-2015, la facture énergétique de ces bâtiments est estimée à 0,73 milliard de dollars.

Le gouvernement a mis sur pied un nouvel organisme en 2017 pour orchestrer la transition. Depuis sa création, Transition énergétique Québec (TEQ) a livré le premier Plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétiques, développé des guides avec des recommandations pour économiser l’énergie ainsi que des programmes d’aide financière. Le Plan directeur indique non seulement des cibles de réduction de consommation d’énergie et d’émissions de GES à atteindre à l’échelle du Québec, mais il comporte aussi un volet portant spécifiquement sur l’exemplarité de l’État.

Choix des moyens

Le coordonnateur à l’exemplarité de l’État chez TEQ, Michel Fournier, confirme que l’application du Plan directeur donne des résultats encourageants. « On sait qu’on a déjà réduit de 5 % la  consommation énergétique par rapport à l’année de référence de 2012-2013. Les établissements des différents réseaux ne sont évidemment pas tous rendus au même point. Un des grands principes de ce plan, explique-t-il, c’est de laisser le choix des moyens entre les mains des gestionnaires. On veut que les gens aient une cible de référence, mais qu’ils fixent la leur en fonction du niveau où ils se trouvent en termes de performance et en tenant compte de l’état de leur parc immobilier. »

« Même si on laisse le choix des moyens aux gestionnaires, ajoute-t-il, on impose une mesure obligatoire aux organisations qui construisent de nouveaux bâtiments. Pour la construction d’une nouvelle école primaire, par exemple, on spécifie aux concepteurs que le système de chauffage doit consommer prioritairement de l’énergie renouvelable (au moins 80 % des besoins totaux en chauffage) et inclure, si désiré, un combustible, mais qui ne sera utilisé qu’en période de pointe hivernale. Bref, on leur dit de choisir le meilleur concept pour respecter les spécifications établies tout en leur laissant le choix des équipements mécaniques. »

« Pour les bâtiments existants, poursuit-il, les modalités prévues indiquent des mesures spécifiques qui concernent l’obligation de convertir un équipement de chauffage au combustible en faisant usage prioritairement d’énergie renouvelable. Par exemple, une école ou un CHSLD chauffé au mazout devrait changer dès maintenant son système de chauffage pour un système utilisant de l’énergie renouvelable. Pour les appareils au gaz naturel qui arriveraient en fin de vie utile, ils devraient être remplacés par des systèmes à l’énergie renouvelable à partir de 2021. Ce sont là des mesures phares qui vont contraindre les gens à utiliser minimalement les moyens préconisés. »

Très efficace sur le plan énergétique, le palais de justice de Cowansville fait notamment appel à la géothermie - Photo : SQI

« Un des problèmes dont on entend parler dans le secteur institutionnel pour faire ces changements, déplore-t-il, c’est le manque de ressources techniques pour les réaliser. Ce n’est pas tant une question de ressources budgétaires consacrées à la correction de la vétusté des immeubles et des équipements. Les institutions ont déjà de la difficulté à les dépenser, à faire les travaux pour corriger les problèmes. C’est pourquoi on insiste pour combiner l’efficacité énergétique à toute intervention touchant un bâtiment et faire précéder le tout d’un audit énergétique pour avoir une vision claire du potentiel d’amélioration. Malgré tout, quand on leur parle d’ajouter à l’agenda d’autres travaux en lien avec la transition énergétique, ça les préoccupe. »

Opérer la transition

Stéphane Richard, coordonnateur à la Direction des services techniques du Centre intégré de santé et de services sociaux du Bas-Saint-Laurent (CISSSBSL), en sait quelque chose. « Présentement, on n’a pas d’objectifs précis pour la quarantaine de bâtiments visés dans la région. On m’a demandé de mettre en place une équipe capable de déterminer nos cibles. Depuis un an, l’objectif consiste ainsi à désigner une personne responsable du volet consommation énergétique dans les principaux bâtiments du Bas-Saint-Laurent. Donc, on prépare le terrain pour faire la transition. »

Cette équipe responsable des projets s’activera sur trois fronts en même temps : l’opération des systèmes, le remplacement d’équipements et l’amélioration de la consommation énergétique. En gros, cela implique d’examiner attentivement le fonctionnement des systèmes en place et de prendre les moyens pour opérer le plus efficacement possible les bâtiments au plan énergétique. « Pour certains de nos plus gros bâtiments, précise-t-il, on a déjà commencé une première vigie pour faire le recommissioning des systèmes. »

À la Comm

L’édifice administratif Louis-Joseph-Moreault, à Rimouski, dispose maintenant d’une installation de chauffage à la biomasse - Photo : SQI

ission scolaire de l’Or-et-des-Bois (CSOB) en Abitibi, Patrick Lortie se réjouit d’arriver presque au terme d’un projet d’efficacité énergétique de 9,6 millions de dollars entrepris il y a un an et demi, qui couvre toutes les écoles de la commission scolaire et le centre administratif, soit 23 bâtiments. Un projet dont la mise en œuvre a été confiée à une entreprise de services éconergétiques et qui a bénéficié de deux aides financières gouvernementales représentant près de 40 % de l’investissement.

 

En bout de ligne, le projet, financé avec l’aide du programme ÉcoPerformance de TEQ et du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, aura permis à la CSOB de réduire de 37 % la consommation d’énergie et de 35 % les coûts d’énergie. Cela représente des économies annuelles de 570 000 dollars. « Ce sont des économies qui peuvent être redonnées en services aux élèves », avance le directeur des ressources matérielles et approvisionnements. Par surcroît, le projet permet d’éviter le rejet de 1 363 tonnes de CO2 par année, soit l’équivalent des émissions de 606 voitures.

La CSOB a pu ainsi corriger les problèmes de vétusté de ses équipements et améliorer considérablement son classement dans le palmarès annuel des commissions scolaires au plan de l’efficacité énergétique. C’est sans oublier le fait d’avoir amélioré du même coup la qualité de l’air ambiant et de l’éclairage des locaux, en plus de faciliter les contrôles de fonctionnement des systèmes en temps réel et à distance. Tant et si bien que la réussite de son projet sert d’exemple à d’autres institutions et entreprises de la région. C’est le cas, entre autres, de la Commission scolaire de Rouyn-Noranda qui s’en inspire pour élaborer son propre projet.

Virage précurseur

Une autre importante institution confirme son engagement dans la voie de la transition énergétique, la Société québécoise des infrastructures (SQI). Son porte-parole à la Direction de la coordination et du soutien à l’exploitation des immeubles, Steve Poulin, se conforte à l’idée d’avoir déjà une longueur d’avance dans plusieurs réseaux d’établissements.

« Depuis 2002 environ, dit-il, la SQI a amorcé un virage très innovateur en développement durable avec l’adoption des normes LEED dans les projets de construction neuve et de celles du programme BOMA BEST pour les immeubles existants. Un virage qui a bousculé les professionnels et constructeurs de l’industrie en étant à l’avant-garde dans la certification environnementale. L’arrivée de TEQ dans le décor est venue ajouter des cibles gouvernementales un peu plus contraignantes, mais on était déjà dans la bonne voie. »

« Au point de vue des cibles de réduction de la consommation énergétique totale, précise-t-il, on a déjà atteint la cible fixée par TEQ pour 2023, soit -11 %. C’est sûr qu’il reste encore beaucoup d’efforts à faire pour atteindre la cible de réduction d’ici 2030, fixée à -16%. En ce qui concerne la réduction des gaz à effet de serre, nous sommes en ce moment aux environs de -4 % par rapport à notre cible de -11 % d’ici 2020. On a notamment une très belle stratégie pour le remplacement du mazout dans nos immeubles. On prévoit que d’ici deux ans, il ne restera plus que 0,7 % de cette source d’énergie utilisée dans nos immeubles. »

Performance divulguée

La SQI travaille présentement sur une nouvelle approche d’exemplarité axée sur la sensibilisation à l’efficacité énergétique qu’elle veut lancer en 2020 pour son parc immobilier. Le programme prévoit notamment l’installation d’un panneau d’affichage de la consommation énergétique en temps réel à l’entrée des bâtiments. Cette stratégie permettra aux gestionnaires et occupants des bâtiments de voir les résultats de leurs efforts et de les motiver à faire plus attention à la consommation énergétique au jour le jour.

Steve Poulin ne peut s’avancer davantage sur la forme que prendra cette démarche, mais il assure que les données de consommation de l’ensemble du parc immobilier de la SQI seront accessibles d’ici quelques mois, soit bien avant la mise en place d’une telle mesure prévue pour 2023-2024 dans le Plan directeur de TEQ. Il mentionne en outre que cette stratégie mènera ultimement à un partage de données avec d’autres provinces et le gouvernement fédéral, question d’obtenir des données comparables pour certains types d’immeubles, comme des laboratoires, des palais de justice ou des centres de détention. Une approche de benchmarking en quelque sorte.

L’engagement de l’État sur la voie de la transition énergétique est donc loin d’être terminé. D’autres mesures, stratégies et plans directeurs restent à venir, mais tous découlent de la volonté d’intégrer à la culture organisationnelle de ses institutions l’efficacité énergétique et l’usage prioritaire de l’énergie renouvelable.

Objectifs de la Politique énergétique 2030

Dès 2019, les données énergétiques colligées des organisations participantes seront évaluées par un jury en vue de déterminer les lauréats du DÉI dans les trois catégories suivantes :

  • Amélioration globale de 15 % de l’efficacité énergétique
  • Réduction de 40 % de la quantité de produits pétroliers utilisés
  • Élimination de l’utilisation du charbon thermique
  • Augmentation de 25 % de la production totale d’énergie renouvelable
  • Augmentation de 50 % de la production de bioénergies
  • Réduction des émissions de GES de 16 Mt éq. CO2
Exemples de mesures appliquées

La Commission scolaire de l’Or-et-des-Bois a appliqué huit mesures pour améliorer l’efficacité énergétique de ses bâtiments. Au moment de l’entrevue, en août, il ne restait qu’à compléter les contrôles à distance du système centralisé et à faire le commissioning.

  • Remplacement des chaudières au mazout par des chaudières électriques
  • Installation de systèmes de récupération de chaleur
  • Optimisation du réseau de chauffage
  • Intégration de l’aérothermie par l’ajout de petits climatiseurs extérieurs
  • Optimisation de la ventilation en l’adaptant aux périodes d’activité des locaux
  • Modernisation des systèmes de contrôle et commissioning
Des cibles concrètes

Voici les cibles institutionnelles de réduction de la consommation unitaire d'énergie par rapport à 2012-2013, extraites du Plan directeur.

 

Parcs immobiliers        

2022-2023

2029-2030

Commissions scolaires 

-15 %

-19 %

Cégeps

-15 %

-20 %

Universités

-11 %

-20 %

Société québécoise des infrastructures 

-9 %

-16 %

Réseau de la santé et des services sociaux

-12 %

-15 %

Société d’habitation du Québec (grands bâtiments)

-6 %

-12 %

Autres ministères et organismes gouvernementaux  

-14 %

-19 %

Cible globale en immobilier

-10 %

-15 %