Des solutions pour optimiser l’efficacité de l’éclairage des bâtiments institutionnels, commerciaux et industriels (ICI). Stratégies et technologies éconergétiques.
L’éclairage artificiel pèse lourd dans le bilan énergétique d’un bâtiment. De savoir qu’il compte pour 15 à 22 % de la consommation d’électricité dans le parc immobilier commercial et institutionnel québécois, selon une étude réalisée par Ressources naturelles Canada en 2009, suffit vite à en prendre la mesure. Encore plus quand on sait que cette proportion tourne autour de 35 à 45 % du côté des établissements de commerce au détail.
L’optimisation de la performance éconergétique de l’éclairage, c’est l’évidence, se pose comme un enjeu important dans le secteur du bâtiment ICI. Non seulement sur le plan des coûts d’exploitation immobilière, mais aussi sur celui de l’empreinte écologique des systèmes d’éclairage. Tant durant leur vie utile qu’au moment d’en disposer.
Pour s’assurer d’obtenir un système d’éclairage efficace, il vaudra donc mieux s’appuyer sur une approche globale en tenant compte de l’impact sur l’environnement et en considérant la quantité de polluants, tel le mercure, qui sera rejetée. Le choix de lampes dont la durée de vie est plus longue (plus de 30 000 heures, ce qu’offrent les fluorescents et les DEL) et l’optimisation de l’éclairage en fonction de la lumière du jour mèneront, notamment, à des solutions performantes et innovantes.
Selon Gilles Meunier, spécialiste en éclairage et membre du conseil d'administration de la Section de Montréal de l’Illuminating Engineering Society of North America, « les choix posés [à la conception] peuvent faire en sorte qu'il sera impossible de revenir en arrière pour installer des contrôles. Il faut d'abord définir un champ d'action afin de déterminer où l'on veut se diriger. Si l'on veut établir un éclairage en fonction de la lumière du jour, la façon de s'y prendre pour installer les types d'appareil sera différente que si l'on choisit de ne pas le faire ».
Pour Mathieu Leclerc, ingénieur en électricité chez Pageau Morel, il ne fait pas de doute qu’un système d'éclairage efficace utilise le plus possible l'éclairage naturel et minimise, par le fait même, l'utilisation de sources artificielles de plus en plus efficaces. Il souligne que ce sont aussi les situations d’exploitation qui nourrissent un système énergivore, comme le fait de laisser les lumières allumées quand ce n’est pas requis. « Quand on a de l'éclairage naturel dans un bâtiment et qu'on laisse les appareils ouverts à 100 %, dit-il, voilà où l'on gaspille beaucoup d’énergie. »
Les sources utilisées pour éclairer les intérieurs de bureaux et magasins, tel l'usage de certaines sources incandescentes par exemple, sont aussi pointées du doigt. Et comme le fait remarquer le spécialiste en éclairage de Pageau Morel, le milieu du bâtiment se trouve actuellement à la croisée des chemins. De nouvelles législations sont sur le point d'être adoptées et certaines lampes, telles que les fluorescents T12, les lampes à incandescence ou les lampes halogènes, seront dirigées sur une voie d’évitement.
Le passage à des solutions de gestion de la consommation d'énergie constitue une décision avisée du point de vue économique, mais aussi écologique. Le recours à des systèmes de contrôle sophistiqués qui intègrent la gestion de l'éclairage et de l'énergie représente une avenue des plus prometteuses. Avec l'implantation d'un système de contrôle bien réfléchi, estime Mathieu Leclerc, il sera possible de réaliser des économies se situant entre 30 et 40 %.
Il met en garde, cependant : « Il ne faudrait pas s'imaginer qu'en installant des détecteurs de luminosité sans avoir analysé au préalable l'apport lumineux du bâtiment, ou encore sans avoir pris soin d'analyser les taux d'occupation ou le potentiel des locaux, que l'on maximisera nécessairement la réduction de consommation énergétique. »
La bonne source, la bonne application
Il existe aujourd’hui des sources d'éclairage variées, très efficaces. Les incontournables fluorescents T5 ou T8 ont toujours la cote puisque leur rendement est élevé. L'utilisation des DEL (diodes électroluminescentes) s'avère un choix judicieux pour de l'éclairage d'accentuation, par exemple. Certains types d’halogénures métalliques constituent également un bon choix lorsque destinés aux usines et aux grandes surfaces.
Faire le bon choix de luminaire est primordial quant à l’optimisation de la source. Gilles Meunier illustre l'exemple d'un fluorescent performant inséré dans un luminaire dont l'intérieur est peint en noir. « Vous direz alors qu'il ne s'agit pas de la huitième merveille du monde, ironise-t-il. On doit s'assurer de mettre la source dans un luminaire performant et de choisir le bon luminaire pour la bonne application. »
De son côté, Mathieu Leclerc observe que l'on a de plus en plus tendance à faire de l'éclairage direct/indirect ou, selon le nouveau terme à la mode, volumétrique. Cela consiste à éclairer le volume de la pièce, tant les murs que les plafonds, le plancher, ainsi que la surface de travail. Certaines études démontrent que l'on a besoin d'un peu moins d'éclairage en termes de niveau d'éclairement (lux) dans un environnement qui est éclairé dans sa volumétrie.
Un système de contrôle d'éclairage efficace améliorera grandement l'efficacité éconergétique d'un bâtiment. Plusieurs types de technologie conviendront aux besoins les plus variés. Des systèmes de contrôle centralisés qui envoient un signal pour éteindre les lumières seront tout désignés pour les gros bâtiments. Les plus petits, eux, pourraient être munis de minuteries ou d'un interrupteur principal.
Dans une approche plus spécifique, pour un environnement plus localisé par exemple, différentes applications comme les détecteurs de présence dans les salles de conférences, les bureaux privés ou les allées dans les entrepôts sont tout indiqués. Il existe quantité de détecteurs de présence de différents types, soit l'infrarouge, l'ultrasonique, la double technologie et le microphonique, pour ne nommer que ceux-ci, chacun ayant sa particularité. C’est sans compter les systèmes adressables, de plus en plus en vogue, qui sont conçus de manière à ce que chaque lumière ait son adresse personnelle et à qui l'on peut « parler » personnellement.
Les détecteurs de luminosité demeurent aussi un choix intéressant, car ils captent les niveaux d'éclairement qui vont retourner une donnée à un système de contrôle qui sera interprétée, puis, en retour, agira de façon à augmenter ou diminuer l'intensité des appareils d'éclairage selon la présence abondante ou non d'éclairage naturel.
La clé du succès en termes de contrôle d'éclairage ? L'analyse. « Elle est primordiale, insiste Gilles Meunier. La détermination des besoins et leur analyse, ainsi que les solutions à étudier, sont des incontournables. Cela est très important, car il s'agit de fondements. »
Bien sûr, le milieu du bâtiment durable en matière de design d'éclairage intérieur n'échappe pas aux tendances. Que l'on considère les édifices de bureaux ou les surfaces, l'éclairage DEL se trouve à pied d'égalité avec le fluorescent en matière d'efficacité, mais son prix est encore élevé, fait remarquer Mathieu Leclerc.
Gilles Meunier note qu’il est toutefois difficile d'établir que telle application DEL a une durée de vie plus longue qu'une autre puisque leur durée de vie ne se calcule pas de la même façon. « Il faut être conscient que les sources traditionnelles telles que les fluorescents, les incandescents ou les lampes halogènes ont une durée de vie qui doit être évaluée d'une façon spécifique et que la méthode utilisée pour évaluer la durée de vie des DEL différera de la précédente, ce qui rend la comparaison difficile. »
Mathieu Leclerc souligne que les spécialistes de l’éclairage ont de bonnes sources, de bons appareils et de bons contrôles à leur disposition, mais que de choisir et d’installer ce qui se fait de mieux sur le marché sans plus réfléchir n’apportera rien de positif sur les plans de la performance et de l’économie d’énergie. « Il faut préalablement s’assurer de bien intégrer chacune des technologies là où il est pertinent de le faire, avise-t-il. Et pour ce qui est du DEL, c’est une source à l’état embryonnaire qui a un potentiel extraordinaire et qui va certainement changer la donne. »
Trois sources d’éclairage à considérer d’un point de vue éconergétique :
- les fluorescents T8 et T5 détiennent la première place en matière de source d'éclairage éconergétique efficace si l'on tient compte du prix ;
- les DEL suivent de très près, particulièrement si les prix continuent de chuter. Et si l'on s'attarde à bien réfléchir à la conception des appareils, les DEL pourront devenir la source la plus efficace dans un avenir très rapproché ;
- la lampe à induction peut être intéressante dans certains types d'application, ainsi que les halogénures métalliques lorsqu'utilisés dans un entrepôt par exemple.
L'éclairage est le principal poste de consommation d'électricité d'un immeuble. Le commerce au détail détient la première place, suivi par les marchés d'alimentation, puis les bureaux. Grâce au Programme Bâtiments d'Hydro Québec, plus de 40 % des kilowattheures associés à l'éclairage pourront être économisés. Ce programme fournit des appuis financiers contribuant à réduire considérablement la période de recouvrement pour le bâtiment commercial et institutionnel. Il est possible de réduire jusqu'à 20 % du temps associé à cette période, ce qui constitue un impact majeur dans la réduction de la rentabilité de l'investissement. La démarche d'admissibilité au Programme Bâtiments est relativement simple : d'abord, rédiger une lettre d'intérêt qui décrit le projet avant que les travaux soient réalisés ; faire ensuite une proposition ; puis faire parvenir une preuve de confirmation qui témoigne de la fin des travaux. On retrouve l'ensemble des modalités du programme sur le site de la société d’État.
- Se laisser guider par les prix. « Il ne faut absolument pas comparer des prix, mais des performances », insiste Gilles Meunier.
- Prévoir du contrôle d'éclairage sans avoir bien analysé toute la situation d'abord.
- Ne pas faire de conception intégrée. « Le piège, c'est de travailler tout seul dans son coin et de voir le projet d'éclairage comme un item qui appartient seulement au génie électrique ou à l'architecte au lieu de penser que c'est un système qui affecte tous les intervenants du projet dans sa globalité », indique Mathieu Leclerc.