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LEED v4 : ce qu’il faut savoir

14 décembre 2016
Par Léa Méthé Myrand

L’avènement de la nouvelle mouture (v4) LEED s’accompagne de changements majeurs par rapport à la version 2009 de ce système d’évaluation environnementale des bâtiments. Les observations de l’architecte Joël Courchesne.

Depuis son lancement par le U.S. Green Building Council (USGBC) en 2000, LEED vise à promouvoir les pratiques d’excellence en construction écologique. Structuré autour d’une grille de pointage, rappelons-le, ce système exige la mise en œuvre de certaines conditions minimales, soit les préalables. On invite ensuite les concepteurs à introduire dans leurs immeubles diverses mesures écologiques pour cumuler des crédits dans chacune des six catégories afin d’atteindre l'un des différents niveaux de certification : Certifié, Argent, Or ou Platine. 

Sur le plan écologique, la faiblesse principale de la formule est qu’elle permettait jusqu’ici d’obtenir la certification en faisant la collection des points « faciles », dont l’impact positif est souvent négligeable. Certains ont ainsi pu obtenir l’avantage marketing d’une certification, tout en faisant l’économie des mesures les plus cruciales, comme l’amélioration des performances énergétiques. On pouvait par exemple obtenir un crédit pour la simple installation d’un rangement à vélo… peu importe que la localisation fût accessible ou non aux cyclistes !

La publication de LEED v4, version du système qui s’applique à tous les projets enregistrés depuis le 31 octobre 2016, vise à rehausser les seuils de performance et à court-circuiter la recherche de certifications à rabais. Elle est le résultat de centaines d’heures de consultation avec les membres de l’industrie et de 22 000 commentaires écrits. Son entrée en vigueur optionnelle, annoncée en 2012, a été retardée de deux ans, notamment pour arbitrer les conflits et polémiques soulevées par la nouvelle approche pour l’obtention des crédits « matériaux ». 

Dans toutes les disciplines du bâtiment et dans le monde entier, l’avènement de LEED v4 causera de la friction. Le secteur québécois de la construction adoptera-t-il avec enthousiasme ce nouveau programme plus rigoureux ? Pour l’heure, seulement deux bâtiments canadiens ont obtenu cette certification, qui est optionnelle depuis 2014. Le 270, rue Albert, à Ottawa est un bâtiment existant certifié Exploitation et entretien et le second est la maison Edelweiss d’Ecohome, à Wakefield, qui a obtenu le niveau Platine. 

Approche globale

Selon Joël Courchesne, président de Courchesne et associés, architecte et conseiller en développement durable, le grand gagnant dans l’adoption de LEED v4 c’est l’environnement : « C’est la première version qui nous approche véritablement du développement durable en induisant des synergies entre les spécialités, plutôt qu’une approche par item où les différents systèmes du bâtiment sont déconnectés. » 

Plus cohérente, la version 4 ne permet plus l’obtention de points faciles. Pour reprendre l'exemple cité plus haut, le crédit pour les installations cyclistes n'est désormais accordé que pour les lieux accessibles en vélo.

C’est cependant dans la catégorie Matériaux qu’on a poussé la notion de cohérence jusqu’à transformer complètement le cumul des crédits. Alors qu’on pouvait auparavant choisir des matériaux locaux, recyclés ou sans COV, sans égard à leur impact environnemental global, LEED v4 exige aujourd’hui que les principaux matériaux intégrés au projet aient fait l’objet d’une analyse de cycle de vie.

En fournissant une Déclaration environnementale de produit ou en adhérant à un programme de Responsabilité élargie des producteurs, le fournisseur déclare les impacts environnementaux et sociaux qu’occasionne son produit, depuis l’extraction de la matière première jusqu’à la fin de vie utile, en passant par la transformation, la mise en marché et l’utilisation. On s’assure ainsi que la production d’un matériau non toxique ne repose pas sur la destruction d’écosystèmes fragiles ou du travail effectué dans des conditions d’esclavage. 

En exigeant la transparence des fournisseurs de matériaux, LEED offre un avantage marketing indéniable aux entreprises qui n’ont rien à se reprocher. La certification incite également celles dont les pratiques sont dommageables à modifier leurs façons de faire, sous peine de perdre la faveur des acheteurs. 

La conception intégrée mise en avant

Sur le plan énergétique, LEED v4 exige d’atteindre le standard de référence ASHRAE 90.1-2010. « Ça va être un gros défi pour les firmes de génie mécanique qui font du LEED 2009 en allant chercher 3 ou 4 points sur les 19 possibles », d'après Joël Courchesne, qui estime que ce rehaussement des exigences de 20 % exigera de travailler en conception intégrée pour combiner les éléments mécaniques avec une enveloppe performante. 

« ASHRAE recommande un maximum de 40 % de fenestration pour atteindre le standard, dit-il. Sur le plan architectural, ça peut être intéressant, mais ça implique de renoncer aux vues mur à mur. » 

LEED v4 constitue donc un test des intentions et des capacités des donneurs d’ouvrage à mettre en œuvre des bâtiments véritablement performants. « Le nerf de la guerre, c’est : suis-je prêt à investir à long terme ? Il faut arrêter les budgets coupe-gorge et le plus bas soumissionnaire, affirme Joël Courchesne. D’ici là, il va y avoir des choix difficiles à faire : si la Ville de Montréal désire conserver son engagement à atteindre le niveau Or dans LEED v4, par exemple, il faudra y mettre le budget. » 

Adieu guides LEED Canada

Désireux de consolider les activités liées à LEED sous la bannière américaine, le USGBC gérera dorénavant toutes les applications en vue de la certification. Le nouvel arrangement permet aux Canadiens d’avoir accès aux 21 versions de LEED v4, qui comportent des variations pour les bâtiments de différents types et fonctions. 

Des « voies de conformité alternatives » ont par ailleurs été aménagées lorsque des standards et normes canadiennes permettent d’atteindre les objectifs de v4, à l’aide de références plus familières aux concepteurs d’ici. Quant aux crédits de priorités régionales liés aux enjeux environnementaux spécifiques à une région, ils ont été révisés en fonction des zones bioclimatiques, plutôt que des provinces.

L’abolition de la version canadienne signifie aussi, malheureusement, l’abolition de la version française des documents, dont une partie seulement sera traduite par le Conseil du bâtiment durable du Canada (CBDCa) et le CBDCa – Québec. 

Pour ceux qui maîtrisent l’anglais toutefois, le compromis est intéressant. La documentation de référence est plus complète : on trouve pour chaque type de projet une « bible » qui explique de manière exhaustive la raison d’être des crédits, la procédure d’obtention de chacun et la démonstration de conformité aux critères du USGBC.

LEED v4 est aussi une bénédiction sur le plan du suivi de la documentation puisque tous les documents relatifs à un projet sont hébergés sur le serveur du USGBC. Ce nouveau développement révolutionne un des aspects les plus frustrants et coûteux du processus de certification LEED. 

« C’est LEEDOnline qui va faire la différence [Ndlr : dans l’adoption de LEED v4], se réjouit Joël Courchesne. Lorsqu’on procède en conception intégrée, il n’y a plus de dédoublement dans le travail de documentation. » 

Un architecte peut maintenant répartir les crédits entre les professionnels et leur donner les accès informatiques pour qu’ils remplissent eux-mêmes la documentation relative à leur spécialité. Finies, donc, la multiplication des chiffriers Excel et les interminables chaînes de courriels. 

Bien sûr, la transition vers v4 inflige à tous ceux concernés les irritants inhérents aux changements de procédures. Le USGBC compense toutefois cet inconvénient en introduisant des façons de faire simplifiées, une documentation de référence exhaustive et, surtout, le gage de performances environnementales exemplaires pour tous les bâtiments certifiés.