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Le béton sous le signe de l’évolution durable

15 avril 2019
Par Michel Bouchard

L’industrie du béton poursuit ses efforts pour réduire l’empreinte environnementale de ses produits, tout en développant de nouvelles applications durables.

Dans un passé pas si lointain, au Québec, le béton n’était essentiellement utilisé que dans les travaux impliquant le secteur du génie civil ou pour assurer les fonctions structurales d’une construction. Mais voilà que les avancées technologiques que le matériau a connues au cours des récentes décennies en ont fait un élément aux capacités architecturales fort prisées des concepteurs du milieu du bâtiment. Si sa durabilité dans le temps n’a jamais été remise en cause, voilà que ses propriétés environnementales sont désormais mises à profit.

Guy Tremblay, directeur technique chez BPDL, indique d’entrée de jeu que les enveloppes de béton s’avèrent beaucoup plus performantes sur le plan énergétique. Et que si on évalue l’impact en tenant compte du cycle de vie du bâtiment, le béton est un incontournable. « Dans les études produites sur le potentiel de réchauffement climatique, précise-t-il, on ne retrouve que 9 % du bâtiment en lien avec le béton, la balance étant liée à la vie utile. On se concentre un peu trop sur le court terme quand on procède à ces évaluations. »

Grâce à sa polyvalence, le matériau le plus utilisé sur la planète s’est solidement ancré dans le panorama urbain de la province. S’il était autrefois peu reconnu pour sa valeur sur le plan durable, le béton est en voie de se tailler une place de choix à cet égard. Qu’on parle de béton coulé ou préfabriqué, le matériau a gagné des lettres de noblesse plus qu’intéressantes lorsqu’il s’agit de marquer des points en ce qui concerne son empreinte environnementale, et l’industrie a su s’adapter en empruntant des stratégies novatrices pour offrir un béton dont les émissions de gaz à effet de serre se situent à des niveaux les plus bas jamais vus.

Béton prêt à l’emploi

Le béton prêt à l’emploi est le grand champion du recyclage de matériaux. « On y recycle de nombreux produits postconsommation et postindustriels : fumée de silice, cendres volantes et autres. « On ne veut toutefois pas que le béton devienne une poubelle, signale Yves Dénommé, directeur technique de l’Association béton Québec (ABQ). Il faut réduire l’enfouissement de certaines matières possédant des propriétés bénéfiques au béton et non ajouter n’importe quoi pour le plaisir de recycler. On inclut des produits dont l’efficacité a été étudiée et dont la chimie réagit avec la chaux du béton pour en augmenter les propriétés. Le béton doit s’en retrouver de meilleure qualité à long terme. »

Photo de BPDL

Le directeur général de l’ABQ, Luc Bédard, explique : « Pour qu’un matériau ait la cote, il doit répondre aux trois critères fondamentaux du développement durable, c’est-à-dire social, environnemental et économique. Mais lorsqu’il n’y a pas le troisième point, le développement durable est souvent mis de côté. Les nouvelles formulations de béton répondent aux trois critères, puisque ces produits s’installent plus facilement et demandent moins de manipulation de la part du travailleur. De plus, on se retrouve avec des bâtiments exempts de moisissures et d’éléments néfastes à la santé humaine. Enfin, sur le plan économique, ils offrent un meilleur rendement. »

Luc Bédard souligne qu’avec l’utilisation de superplastifiants, on augmente les performances pures du béton, mais que le gain s’avère d’autant plus notable sur le plan social du développement durable. Ce faisant, on retrouve un béton plus facile à mettre en place. « La majeure partie des déficiences des ouvrages de béton proviennent à 30 % de la conception et à 55 % de la mise en place, dit-il. Oui ils sont un peu plus chers, mais en utilisant des bétons plus faciles à travailler, on minimise le potentiel d’erreur. »

Des produits novateurs

Le béton drainant n’est pas encore très populaire au Québec, mais la situation pourrait changer dans les années à venir. En somme, son application se destine à la gestion des eaux de ruissellement. « Les changements climatiques font en sorte que les pluies qui devaient être centenaires ne le sont plus, leur fréquence est plus importante, observe Luc Bédard. On se retrouve avec un problème où l’eau ne peut pas s’évacuer. Au lieu d’avoir des stationnements qui deviennent des bassins temporaires, le béton drainant permet de mieux réintégrer l’eau de pluie à la nappe phréatique. »

Le béton autonettoyant catalytique a été développé dans les années 1990, mais comme le produit fait l’objet d’un brevet, il n’a jamais pu s’implanter au Québec. Or, avec le temps, les concepteurs risquent de l’inclure progressivement, à mesure que les brevets arriveront à échéance. Pour être efficaces, ces produits doivent être exposés aux rayons ultraviolets du soleil.

Le béton blanc est aussi un produit qui gagne en popularité. Le pouvoir réfléchissant de sa surface, c'est-à-dire le rapport de l'énergie lumineuse réfléchie à l'énergie lumineuse incidente contribue à une diminution notable des ilots de chaleur.

Photo de BPDL

Le béton à base de ciment au calcaire revêt les mêmes propriétés qu’un béton standard, toutefois, sa fabrication permet de réduire la facture de CO2 de 10 % par rapport au ciment d’usage général. « Peu de cimenteries l’exploitent au Québec, puisque sa fabrication demande une mouture beaucoup plus fine, note Yves Denommé. Certains l’offrent, mais de façon plutôt limitée pour l’instant. Comme toujours, l’offre demeure tributaire de la demande. »

Actuellement, l’industrie planche sur une technologie qui exploite la capacité de carbonatation du béton. « L’industrie travaille avec la firme CarbonCuretm pour arriver à injecter le CO2 émis par les cimenteries dans le béton frais. En séquestrant le CO2, le béton pourra se carbonater et du même coup, ses propriétés mécaniques en seront bonifiées, précise Luc Bédard. Le principe est logique : on extrait la molécule de CO2 de la roche pour fabriquer le ciment, et la nature visant l’équilibre, elle tente de récupérer la molécule. On boucle la boucle. »

Durabilité préfabriquée

Le béton fibré à ultra-haute performance (BFUP) constitue une avancée majeure dans le domaine du béton préfabriqué. « Avec le BFUP, indique Guy Tremblay, on a une meilleure résistance grâce à l’ajout d’une fibre. Ces agencements permettent au béton de gagner de la résistance en tension, ce qui aide à réduire la quantité. » Et en misant sur les panneaux de béton autoportants, on arrive ainsi à fermer un bâtiment avec un matériau beaucoup plus léger et doté d’une performance énergétique accrue.

« C’est surtout dans les applications que les avancées sont notables, dit le directeur technique de BPDL. La clé consiste à pouvoir couler ces matériaux dans un moule ou un contre-moule pour former des éléments en trois dimensions. Les mélanges sont plus texturés, il faut une certaine expertise pour produire une surface lisse. On peut arriver à amincir certaines sections et on doit travailler dans la géométrie du panneau. C’est aussi le cas pour les attaches, qui doivent toujours être plus efficaces et moins complexes à installer. À force de réaliser des projets, on parvient à peaufiner nos systèmes à la fois de manière structurelle et architecturale. »

Avec la collaboration de l’Université de Sherbrooke, BPDL a développé un béton à ultra-haute densité dans lequel on a ajouté du verre recyclé. « Avec l’ajout du verre broyé, on a réduit la masse sans perte de résistance. On peut donc diminuer la quantité de matériel nécessaire. ».

Les bénéfices durables

En combinant la recyclabilité complète du produit et la durée de vie d’une structure, on peut déjà parler de bénéfices durables, mais l’équation ne se limite pas à ces deux éléments.

  • Malgré le poids considérable du matériau, la dépense en énergie nécessaire au transport du béton se voit contrebalancée par la proximité, puisque ses composants étant disponibles pratiquement partout, sa production peut se faire tout près d’un chantier.
  • Quant à la composition, il est aujourd’hui possible d’y inclure un certain pourcentage de matières résiduelles à faible potentiel de recyclage, de rebuts de construction et de déchets tels que des sous-produits industriels. Le béton recyclé peut être réutilisé comme granulat dans les fondations ainsi que dans la production de nouveau béton.
  • Sa masse thermique constitue un atout sur le plan énergétique et sa surface permet une réduction des ilots de chaleur par rapport au bitume. Une fois durci, le béton se veut un matériau sans émissions.
  • Certains bétons ont la capacité de capter les eaux de ruissellement et de filtrer le liquide pour le renvoyer directement à la nappe phréatique. C’est le cas avec le béton drainant, le pavé de béton perméable et les dalles de sol alvéolées.
  • Le béton a également pour propriété de bien s’adapter au passage du temps et à un changement de vocation d’un bâtiment.